«Jean-Claude Duvalier doit être arrêté et jugé pour ses crimes, ici, en Haïti. Il faut en faire un exemple.»

Pierre Espérance ne se contente pas d'espérer. Le directeur général du Réseau national de défense des droits humains a multiplié les interventions dans les médias de Port-au-Prince, hier, pour propager son message.

Comme bien d'autres Haïtiens qui ont vécu sous la dictature duvaliériste, le militant de 47 ans est scandalisé par le retour de Bébé Doc, dimanche soir, après 25 ans d'exil. «On ne peut pas rester les bras croisés. On ne parle pas ici de vengeance, mais bien de justice», a dit le militant, qui s'affairait à organiser une manifestation lorsque La Presse l'a joint.

Cloîtré à l'hôtel

L'ex-président «à vie» avait prévu expliquer les raisons de son retour hier au cours d'une conférence de presse à l'hôtel Karibe, où il loge. Or, la conférence a été annulée et remise peut-être à aujourd'hui.

L'ancien chef des tontons macoutes, une milice qui a torturé et tué des milliers d'opposants au régime, est resté toute la journée dans ce chic hôtel de Pétionville, en banlieue de Port-au-Prince. Son retour, qui a pris de court les Haïtiens, n'a pas créé de tumulte jusqu'à présent. Des manifestations pro et anti-Duvalier sont toutefois à prévoir dans les prochains jours.

Ici, la moitié de la population a moins de 25 ans. Elle n'a donc pas connu le régime de Jean-Claude Duvalier, président durant 15 ans, de 1971 à 1986, chassé du pouvoir par une révolte populaire. «On se doit de raconter aux jeunes les violations des droits de l'homme à grande échelle commises par le père et le fils durant tant d'années», a souligné M. Espérance. François Duvalier, dit Papa Doc, a dirigé Haïti de 1957 jusqu'à sa mort, en 1971. Son fils n'avait que 19 ans quand il lui a succédé.

Amnistie internationale et Human Rights Watch réclament aussi que l'ex-dictateur soit traduit en justice. «Les violations des droits à grande échelle commises systématiquement en Haïti sous le régime Duvalier constituent des crimes contre l'humanité, a dit Javier Zuñiga, conseiller d'Amnistie internationale. Haïti se doit d'engager des poursuites contre lui et toute autre personne responsable de tels crimes.» Le chef de la police haïtienne, Mario Andrésol, a indiqué pour sa part que, à sa connaissance, aucun mandat d'arrêt n'avait été lancé contre l'ex-dictateur.

Si certains sont scandalisés par le retour de Bébé Doc, d'autres sont nostalgiques de la stabilité qui régnait à l'époque. Depuis quelques mois, ici et là sur les murs de Port-au-Prince, des graffitis réclament le retour de l'ancien dictateur. Après une succession de catastrophes depuis un an - séisme meurtrier qui a détruit la capitale, ouragan et épidémie de choléra -, Haïti est actuellement plongé dans une crise politique.

Jean-Claude Duvalier a un billet d'avion pour rentrer jeudi en France, où il s'est exilé il y a 25 ans. Or, sa femme, Véronique Roy, qui l'accompagne et qui a longtemps été sa conseillère en communications, a déclaré hier qu'il était «prématuré de dire» s'il rentrerait en France ou s'il resterait en Haïti. Toujours selon elle, il n'aurait eu aucun contact avec le gouvernement actuel et son président sortant, René Préval.

- Avec AFP et Miami Herald