L'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier considère les accusations qui pèsent contre lui comme des «tracasseries», si l'on se fie à son discours prononcé ce vendredi en début de soirée dans un chic hôtel de Pétionville.

Vêtu de son éternel veston bleu foncé, l'ancien «président à vie» a finalement brisé le silence sur la raison de son retour d'exil, cinq jours après son arrivée surprise dans son pays natal.

«Dès l'instant que j'ai pris la décision de revenir en Haïti pour commémorer avec vous, dans notre pays, ce triste anniversaire, je m'attendais à toutes sortes de persécutions;  mais croyez-moi, le désir de participer à vos côtés, à cette Konbit (travail collectif) pour la reconstruction nationale, dépasse de loin les tracasseries auxquelles je pourrais être confrontées»,  a-t-il dit lors d'une brève conférence de presse au cours de laquelle il a lu un discours.

L'homme de 59 ans a parlé essentiellement en français, d'un débit lent, d'une voix fatiguée.  Son allocution a duré moins de huit minutes.  Il a refusé de répondre aux questions des nombreux journalistes locaux et internationaux présents. Quelque 200 partisans étaient massés à l'extérieur, calmes. Ils brandissaient des photos d'un «Bébé Doc», 25 ans plus jeune.

«Bébé Doc», qui a régné d'une main de fer sur Haïti de 1971 à 1986, a commencé son discours en disant que l'accueil des Haïtiens lui avait «donné chaud au coeur». Il est rentré au pays pour rendre hommage aux victimes du tremblement de terre du 12 janvier, «malheureusement», je ne suis pas arrivé à temps», a-t-il dit sans donner davantage de détails.

«Me voici revenu vous témoigner de ma solidarité en cette période extrêmement difficile de la vie nationale où vous êtes encore des centaines de milliers à vivre à la belle étoile, au milieu des ruines», a-t-il souligné.

L'ex-chef des Tontons macoutes, cette police secrète soupçonnée d'avoir torturé et tué des milliers d'opposants au régime,  a par ailleurs insisté sur le fait que son départ d'Haïti, il y a 25 ans, était «volontaire».

«Je saisis cette occasion pour présenter publiquement mes sympathies à mes millions de partisans qui, après mon départ volontaire d'Haïti, afin d'éviter un bain de sang et de faciliter le dénouement rapide de la crise politique, en 1986, ont été livrés à eux-mêmes», regrettant du même coup que certains de ces partisans aient été assassinés ensuite.

«Je saisis aussi cette occasion pour exprimer, une fois de plus, ma profonde tristesse à l'endroit de mes compatriotes qui se reconnaissent, à juste titre, d'avoir été victimes sous mon gouvernement», a-t-il poursuivi.

L'ancien dictateur a terminé son allocution en paraphrasant une allocution célèbre de Martin Luther King. «Quand vous ferez en sorte que la cloche de la réconciliation nationale puisse résonner dans tous les coeurs et que nous la laissions carillonner dans chaque commune, dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque foyer, alors, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants d'Haïti, hommes et femmes, vieux et jeunes, riches et pauvres, ceux de l'intérieur comme ceux de la diaspora, puissent marcher la main dans la main sans exclusion et participer ensemble à la renaissance d'Haïti.» Il a conclu en scandant: «Vive Haïti! Que Dieu nous bénisse!».

Trois avocats américains, se présentant comme des amis de l'ex-dictateur, étaient à ses côtés lors de la conférence de presse. «C'est facile d'alléguer des choses contre quelqu'un. Il y a des gens qui l'accusent de toutes sortes de choses depuis son départ», a indiqué l'un d'eux à La Presse, Bob Barr.

L'ex-dictateur fait l'objet d'une enquête des autorités haïtiennes pour des crimes contre l'humanité commis sous sa présidence, selon Amnestie internationale. Quatre plaintes en ce sens ont été déposées mercredi à Port-au-Prince.

L'ancien dictateur a déjà été inculpé mardi de corruption, de détournements de fonds publics et d'association de malfaiteurs, commis sous sa présidence. Les autorités lui ont dès lors signifié une «interdiction de quitter le pays», selon des sources judiciaires.

Avec l'AFP