Sean Penn est arrivé en Haïti six jours après le séisme avec une équipe de médecins et de spécialistes de l'aide humanitaire qu'il venait de mettre sur pied. L'acteur américain devait rester deux semaines. Il y a passé plusieurs mois et fait encore aujourd'hui des allers-retours réguliers Los Angeles-Port-au-Prince.

Ici, au camp du Pétionville Club, le «mauvais garçon d'Hollywood» ne signe pas d'autographes. Presque personne, parmi les 55 000 réfugiés, ne le connaissait avant qu'il débarque là où l'armée américaine venait d'élire sa base.

Un an plus tard, l'armée américaine est répartie depuis longtemps. Les 55 000 réfugiés, eux, n'ont pas bougé. Et l'équipe de Sean Penn, composée de quelque 200 employés haïtiens et d'une poignée de jeunes Nord-Américains, est toujours là.

Renette Maurice, qui vit avec ses six enfants dans un abri minuscule à travers une forêt de bâches de plastique, n'a jamais entendu parler de l'acteur de Mystic River. L'une de ses filles vient à sa rescousse: «Oui, oui, il est avec J/P. Je ne savais pas qu'il jouait dans des films.»

J/P HRO, c'est l'ONG fondée par Penn après avoir réussi à convaincre la philanthrope Diana Jenkins d'y investir de l'argent. Beaucoup d'argent. J/P HRO comme dans Jenkins-Penn Human Relief Organization. Au fil des semaines, l'artiste a réussi à gagner le respect de l'armée américaine et des nombreuses autres ONG à l'oeuvre dans le camp, si bien que sa direction lui a officiellement été confiée.

Dans les heures suivant le tremblement de terre, des dizaines d'Haïtiens ont envahi les pelouses du parcours de neuf trous situé dans les hauteurs de Port-au-Prince. Comme le terrain est en pente, les militaires américains ont construit des rigoles à l'aide de sacs de sable pour évacuer l'eau.

Le camp est devenu l'un des plus gros et les mieux organisés de la capitale. Il y a des douches, des toilettes, de l'eau potable, une école et même un centre de traitement du choléra. Des sinistrés sont embauchés comme journaliers pour ramasser les déchets. «On risque d'attraper le choléra, mais au moins, on a un peu d'argent», lance Claudy Valmé, 19 ans, sur un ton amer. Ils sont payés 300 gourdes par jour (7,50$ CAN), mais il n'y a évidemment pas de travail pour tous ceux qui ont perdu le leur.

Le jeune Haïtien a souvent croisé le «boss» du camp. «Il vient toujours nous parler. Il répète: good job, good job», poursuit-il. Un ami de Claudy a une opinion plus tranchée. «Les gars de J/P se promènent en Jeep de l'année, alors que nous, on mange de la poussière», dit-il.

Retombées

Si la popularité de Penn aide à récolter des fonds auprès des donateurs privés, elle apporte aussi des retombées insoupçonnées. L'artiste Yves Claudé Georges Fils a installé le «club des arts» devant sa tente. Il peint des scènes post-tremblement de terre dans un style naïf. «Personne ici n'a les moyens d'acheter vos toiles», lui fait-on remarquer. «C'est aux Blancs qui visitent le camp comme vous que je les vends», répond-il avec un sourire.

Vrai: le camp de la vedette américaine attire plus l'attention que les autres. Ici les règles établies à l'égard des médias sont très strictes. Toute demande d'entrevue avec ne serait-ce qu'un employé de J/P HRO doit être approuvée... à Los Angeles. «On n'a pas le droit de dire lorsque M. Penn se trouve en Haïti», indique une porte-parole de l'ONG, Lauren Rajczak, qui nous a refusé une entrevue avec l'acteur américain.

Un bras droit québécois

Le bras droit de Sean Penn sur le terrain, c'est un Québécois. Il s'appelle Félix-Antoine Véronneau. Il a à peine 30 ans et porte le titre de gérant des opérations. Il travaillait auparavant pour la fondation de l'ex-président américain Bill Clinton. Trop de discussions, pas assez d'actions. Il préfère travailler pour Penn.

D'autres ONG critiquent celle de Penn pour vouloir trop en faire et être dispersée. «On ne veut pas laisser tomber les Haïtiens. Je te donne un exemple. On s'est rapidement rendu compte que personne ne faisait du déblaiement de débris, explique le jeune Québécois. On n'y connaissait rien, mais on a foncé. On a fait venir de la machinerie lourde, puis au fil des mois, on s'est rendu compte qu'on était parmi ceux qui en avaient le plus ramassé.» Même chose lorsque Médecins sans frontières a quitté le centre médical qu'il avait mis sur pied au camp pour répondre à d'autres urgences. «On s'est sentis obligés de reprendre le flambeau.»

Bien que le nombre de résidants du camp n'ait pas baissé d'un iota en un an, l'ONG de Sean Penn ne se décourage pas. La majorité des gens proviennent de Delmas, la zone voisine. Les rues ont été déblayées, mais les maisons détruites sont toujours là. «On n'a pas abandonné l'objectif de tous les reloger. Si déblayer coûte cher, démolir c'est encore plus cher. On est à la recherche de fonds en ce moment pour le faire», souligne son bras droit.

L'acteur américain a récemment déclaré qu'il ne laisserait jamais tomber Haïti. «Il n'y a pas de fin. C'est ici que je serai chaque fois que je ne travaillerai pas aux États-Unis, pour le reste de ma vie», a-t-il dit au Hollywood Reporter.

Si l'acteur a essuyé quelques critiques, il a aussi envoyé quelques salves aux experts de l'humanitaire. «La seule façon de faire avancer les choses, c'est de travailler comme une pieuvre, avec plusieurs bras qui interviennent sur plusieurs fronts en même temps. Certaines ONG se préoccupent plus de préserver leurs propres intérêts que de travailler pour les Haïtiens», a récemment dit dans une entrevue à un quotidien français cet acteur associé à la gauche militante américaine.

Parmi toutes les vedettes américaines qui ont visité Haïti durant la dernière année, de John Travolta à Brad Pitt en passant par Sarah Palin, Sean Penn est le seul à être resté.