Un squelette vêtu de jaune de deux mètres de haut placé sous verre: c'est l'autel dressé par Aurora, une femme au foyer mexicaine, pour remercier la Sainte Mort d'avoir libéré son fils enlevé par des ravisseurs il y a sept ans.

Situé en face de sa maison de briques à moitié terminée, dans le quartier populaire d'Iztapalapa dans l'est de la capitale, cet autel est un des plus populaires des milliers érigés pour ce culte dans ce pays de 112 millions d'habitants, à 70% catholiques.

«Quand je lui demandais mon fils, j'ai vu son visage (une tête de mort) descendre doucement vers moi et quand elle est entrée en moi, elle m'a dit «je t'ai entendue». Le lendemain, mon garçon était libéré», raconte Aurora.

Au début, des voisins furieux ont essayé de brûler ce luxueux autel, qui croule sous les cadeaux, fleurs, fruits, gâteaux déposés par des centaines de fidèles réunis chaque mois dans cette rue pour assister à la messe.

Environ 10 000 autels à la gloire de «la fille blanche» ou de «la maigrichonne», comme beaucoup la surnomment, ont vu le jour ces dernières années dans les rues du Mexique, explique José Gil Olmos, auteur de «La Santa Muerte, la virgen de los olvidados» («La Sainte Mort, vierge des oubliés»).

Le culte des morts est enraciné depuis des siècles au Mexique et l'adoration pour la «Sainte Mort relève d'un syncrétisme, un métissage de deux cultures extrêmement religieuses, l'espagnole catholique et celle des peuples indigènes, fondée sur la mort», détaille-t-il.

Même si le jour des morts, le 2 novembre, est une des fêtes religieuses les plus importantes de l'année, la Sainte-Mort est restée dans l'ombre jusqu'en 2001 au Mexique.

Cette année-là, une femme a érigé l'autel le plus célèbre du pays, dans le quartier déshérité de Tepito, au coeur de Mexico, selon un prêtre de ce culte, Martin George.

Le culte a longtemps été associé aux délinquants et trafiquants de drogue, surtout après la découverte des corps de 12 personnes sacrifiées dans le cadre de rites narco-satanistes en 1989 dans un ranch du Tamaulipas (nord-est).

Cette perception a été renforcée le 4 janvier par l'arrestation pour enlèvement et extorsion de David Romo, qui se faisait passer pour l'archevêque de ce culte.

Il avait obtenu l'inscription de la Sainte-Mort au registre officiel en 2003, avant que les autorités mexicaines ne l'en retirent sous pression de l'Église catholique.

«Le culte à la Sainte-Mort n'a rien à voir avec M. Romo», tonne George au début de chaque messe, avant d'invoquer «Dieu le père» ou «Notre-Dame de Guadalupe», patronne de Mexico.

L'un des plus célèbres adeptes de la Sainte-Mort est le ministre de la Sécurité publique Genero Garcia Luna, qui lui demande de le protéger contre les trafiquants de drogue, tenus pour responsables par le gouvernement de près de 35.000 morts depuis fin 2006, raconte Gil Olmos dans son livre.

Neftali de Jesus Islas, un homme de 30 ans, s'est pour sa part fait tatouer sur l'épaule la mort embrassant un bébé pour la remercier d'avoir sauvé son fils et Jorge, 31 ans, est devenu adepte après avoir failli mourir dans le désert alors qu'il tentait de franchir la frontière avec les États-Unis.

Chaque mois, des centaines de personnes se réunissent, une figurine de la Sainte-Mort dans les bras. Ils la vêtissent de vert pour obtenir de l'argent et une protection, de rouge s'ils veulent de l'amour, de bleu pour la santé et de noir pour le pouvoir.

«C'est mieux d'être en bons rapports avec quelqu'un qui va finir par t'emporter», estime Nohemi, propriétaire d'une herboristerie.