Un soulèvement populaire semblable à ceux qui ont enflammé le monde arabe ces dernières semaines semble improbable à Cuba, un des derniers pays communistes au monde, selon divers analystes interrogés par l'AFP.

Pour Arturo Lopez-Levy, de l'université de Denver aux États-Unis, le gouvernement communiste de Raul Castro «continue de porter bien haut le drapeau du nationalisme», moteur essentiel face à «l'impérialisme américain» dénoncé quotidiennement par les autorités.

Ce nationalisme et l'esprit de «résistance» de la population face aux menaces de mainmise des États-Unis sur Cuba sont alimentés généreusement par des médias acquis au régime, en l'absence de toute autre source d'information.

«La comparaison ne tient pas la route», renchérit le sociologue cubain Luis Suarez pour qui, «dans l'imaginaire de la majorité de la population cubaine, c'est la Révolution qui reste la clé pour résoudre les problèmes».

«Chômage et corruption ne sont pas perçus de la même manière à Cuba que dans le monde arabe et ne soulèvent pas l'indignation populaire», ajoute de son côté un spécialiste économique d'une ambassade occidentale.

«L'État subvient plus ou moins bien aux besoins de tous, la corruption n'est pas criante et il n'y a pas de classe de super-riches qui affichent leurs Ferrari comme une insulte aux plus pauvres», ajoute ce diplomate sous couvert d'anonymat.

En revanche l'économiste dissident Oscar Espinosa Chepe entrevoit une possibilité de soulèvement «si la crise économique et les problèmes sociaux ne trouvent pas de solution dans les prochains mois».

Ce soulèvement pourrait alors «se former de manière spontanée», estime l'économiste cubain qui, comme MM. Lopez-Levy et Suarez, souligne l'absence d'opposition organisée capable de canaliser les mécontentements.

Le gouvernement disposerait alors d'une soupape de sécurité déjà utilisée plusieurs fois dans le passé : organiser une émigration de masse des mécontents vers les États-Unis.

Le pouvoir d'internet

Tous les observateurs s'accordent également à souligner que les réseaux d'information sont rudimentaires à Cuba: pas de médias indépendants, pénétration faible des téléphones mobiles et encore plus rare d'internet.

Fin février, la presse cubaine avait souligné qu'un appel lancé, selon elle, par des blogueurs anticastristes à manifester sur une des plus grandes places de La Havane n'avait apparemment réuni personne.

«Mission impossible», avaient alors titré des blogs pro-gouvernementaux.

«Pourquoi les Cubains ne se soulèvent-ils pas contre les services de santé gratuits? Pourquoi les Cubains ne se soulèvent-ils pas contre l'éducation gratuite? Pourquoi les Cubains ne se soulèvent-ils pas pour rétablir la domination américaine?», ironisait Granma, le quotidien du Parti communiste.

La crise, surtout économique, que traverse Cuba «peut déboucher sur un conflit similaire (à ceux des pays arabes), mais cela ne se profile pas à court terme», juge pour sa part Roberto Veiga, éditeur du magazine catholique Espacio Laical (Espace Laïque).

«La population recherche surtout un changement par la réforme, non par la révolte ou la violence» et «de nombreux Cubains, y compris parmi les responsables les plus importants, travaillent dans ce sens», conclut-il.