C'est une tradition dans l'État de Sinaloa, région du Nord-Ouest mexicain et berceau des grands chefs de cartels: on chante des «narcocorridos», des odes aux trafiquants. Le gouverneur de l'État vient de couper court à la tradition en interdisant ces chansons dans les bars et lieux publics. Mais les artistes continueront de donner des concerts privés aux narcos...

«Aux gringos, la poudre, je la vends par tonne... J'ai des ranchs, des femmes et de l'or... J'ai les flics à mon service... Si l'eau m'arrive au cou, je leur distribue des pesos, et s'ils me manquent de respect, je les envoie au ciel».

Cette chanson intitulée À mes trousses, qui vante, à la première personne, les performances d'un narcotrafiquant connu, ne résonnera bientôt plus dans les bars et restaurants de l'État de Sinaloa, qui a pourtant vu naître ce genre musical controversé.

Un décret interdisant de passer des narcocorridos dans les lieux publics a été annoncé jeudi dernier par le gouverneur Mario Lopez Valdez. Le mandataire a affirmé que ce style musical faisait «l'apologie des criminels» et créait «des idoles en toc».

Les établissements qui ne respectent pas la loi se verront retirer leur licence.

Narcoculture

Berceau des plus illustres chefs de cartels d'aujourd'hui et d'antan, tels que Joaquin «El Chapo» Guzman, Amado Carrillo Fuentes et les frères Beltran Leyva, c'est de l'État de Sinaloa que s'est propagée la dénommée «narcoculture», mélange de style vestimentaire, de musique et de culte à Jesus Malverde, le «saint des narcos».

Cette région du Nord qui s'étale le long du Pacifique compte autant de chanteurs de narcocorridos que de bars.

Précurseur de ce genre musical, le célèbre groupe Los Tigres del Norte (Les Tigres du Nord) a d'ores et déjà affirmé qu'il continuerait de conter les aventures des narcotrafiquants au même titre que les journalistes relatent les affrontements entre cartels.

L'interdiction a en revanche été applaudie par la plupart des responsables politiques du pays.

Alejandro Poiré, porte-parole du gouvernement fédéral, a écrit sur son blogue: «La violence ne provient pas seulement des fusillades. La diffusion de ces chansons représente une tentative d'injection dans la société de modèles et de valeurs inadmissibles pour notre pays».

Les ventes augmentent

«Nous ne fomentons pas la violence» se défend Conrado Lugo, producteur de narcocorridos à Culiacan, la capitale de Sinaloa. «Les corridos sont une expression populaire. Cette musique est une constante de la culture de Sinaloa» explique-t-il.

Certains analystes qui ne cachent pas leur aversion pour ce style musical ont pourtant jugé la prohibition contre-productive. La presse locale affirme qu'en quelques jours, à Culiacan, les ventes de disques de narcocorridos ont augmenté.

Et les musiciens n'ont pas à s'inquiéter pour leurs revenus, qui proviennent surtout des concerts qu'ils donnent lors des fêtes privées des riches narcotrafiquants. En fonction de sa notoriété et du client qui l'engage, un groupe ou un chanteur peut gagner entre 80 000 et 500 000 dollars américains par soirée.

La police fédérale mexicaine a mis fin aux activités d'un bar clandestin avec deux tables de billard, qui fonctionnait à l'intérieur même d'une prison du Chihuahua, a annoncé le parquet de cet État du nord du Mexique. Dans le bar installé au sein d'une prison pour détenus jugés à faible risque, les policiers ont découvert 200 bouteilles de bière, 20 de vodka et 12 de tequila, a expliqué au cours d'une conférence de presse mardi soir Carlos Gonzalez, porte-parole du parquet du Chihuahua. Le sous-directeur de la prison, Fernando Oropeza, «a été destitué et il pourrait être poursuivi» en justice, a-t-il ajouté. Plus grave, des armes à feu et 50 armes blanches, 180 doses individuelles de marijuana et 90 d'héroïne ont été découvertes dans la prison, mais aussi des centaines de produits électroménagers non autorisés.