Demain, cela fera un an que la mine San José s'est refermée sur les 33 miraculés d'Atacama. Presque tous vivent à Copiapo, petite ville située à 800 km au nord de Santiago. Hormis certains, la plupart sont sans travail, assaillis par les souvenirs.

«Je suis dans la mine et, d'un seul coup, le plafond s'effondre et le sol s'ouvre sous mes pieds», raconte Pedro Cortez, 27 ans. Ce cauchemar le réveille en sursaut presque toutes les nuits. Après avoir enduré 70 jours de captivité à 700 mètres sous terre, il n'a pas eu peur de sortir parmi les derniers. «Trente et un», c'est d'ailleurs le surnom que ses amis lui ont donné. «Aujourd'hui, c'est dur, souligne cet homme rondouillard qui ne quitte jamais sa casquette. Quand je vois des photos ou des vidéos de la mine, je pleure».

Pedro est le seul qui ait repris des études, au Centre minier international Benjamin Teplizky, parrainé par le Canada. Dans la mine, il était chargé des outils de communication avec l'extérieur. «C'est comme ça que j'ai décidé d'être électricien», dit-il. S'il réussit à finir ses études - il ne sait pas s'il pourra les financer jusqu'au bout -, il voudrait retourner à la mine, mais à la lumière: «En tant qu'électricien, je ne travaillerai pas sous terre.»

Retourner à la mine

Une perspective qui fait bégayer Jimmy Sanchez. Le plus jeune des 33 a tout juste 20 ans. Fluet et timide, il panique à l'idée de retourner à la mine. «Lors d'un voyage en Europe auquel nous avions tous été invités, raconte-t-il, nous devions descendre dans une mine. Je n'ai pas pu.» Quand l'accident a eu lieu, il était mineur depuis cinq mois seulement. Un an plus tard, il dort peu et mal, il s'énerve pour un rien. «Je veux travailler, insiste-t-il. Pour penser à autre chose et gagner de l'argent. C'est ma copine qui m'entretient.» Il pensait que le gouvernement les aiderait à retrouver du travail.

«Personne ne veut nous embaucher, explique Osman Araya, 31 ans. On nous considère comme trop fragiles.» Contrairement à la majorité de ses compagnons, ce père de quatre enfants se sent pourtant bien. La seule séquelle qu'il garde de l'aventure: «Mes dents tombent toutes seules.» Il y a aussi le regard des autres : «Tout le monde pense que nous sommes riches, on nous insulte dans la rue, s'énerve-t-il. Mais seuls les plus connus ont gagné beaucoup d'argent ! » Ils reçoivent seulement maintenant la totalité de leur indemnité de licenciement, comme les 240 autres travailleurs de la mine San José, qui a fermé.

Le livre et le film

Osman n'attend pas, comme certains, l'argent qui pourrait venir du livre, qui sera écrit par le Prix Pulitzer Hector Tobar, ou du film écrit par le Portoricain José Rivera (Carnets de voyage), qui arrive aujourd'hui au Chili en compagnie du producteur Mike Medavoy (Le cygne noir, Shutter Island).

Avec l'argent que l'excentrique millionnaire chilien Leonardo Farkas a donné à chacun des 33 (10 500 $), il s'est acheté une camionnette pour vendre des fruits et légumes. «Je pensais avoir un meilleur emploi à la sortie, et plus d'argent, se souvient-il, mais je gagne moitié moins que dans la mine.»

Tous se retrouveront demain à la messe oecuménique pour honorer la Vierge de Copiapo. «C'est grâce à elle que nous avons survécu », souligne Pedro Cortez.