Pour contourner la surveillance à la frontière, les cartels mexicains développent le trafic souterrain: ils creusent des tunnels. Inquiétés, les Américains envoient leurs agents au Mexique pour traquer ces «narcotunnels», dotés d'aménagements technologiques de plus en plus complexes.

Ils sont équipés de l'électricité et d'un système de ventilation. Dans certains, on a même installé l'air climatisé, des lignes téléphoniques et des caméras de surveillance. Des rails ont été posés et des chariots à moteur servent à transporter la drogue.

Conçus par des architectes et des ingénieurs, les tunnels utilisés par les trafiquants mexicains pour tromper la surveillance à la frontière avec les États-Unis sont dotés d'une technologie de plus en plus sophistiquée.

Au cours de l'été, plusieurs tunnels de ce type ont été découverts à Tijuana. C'est d'ailleurs dans l'État de Basse-Californie que sont mis au jour la plupart de ces passages clandestins.

Les agences fédérales américaines ont révélé que depuis 1999, 154 narcotunnels, comme on les dénomme, ont été découverts de part et d'autre de la frontière, dont 30 uniquement cette année.

Ils font entre 30 et 300 mètres de long, et atteignent parfois les 20 mètres de profondeur.

Le rapport présenté en juin dernier devant la Sénat américain par Laura E. Duffy, procureur du district sud de l'État de Californie, révèle une «augmentation du nombre et de la sophistication des narcotunnels». Ce document, intitulé Protéger notre forntière souterraine: pour une poursuite effective des tunnels liés au crime organisé, lie le phénomène au renforcement de la surveillance de la frontière.

«C'est surtout la sophistication des aménagements qui a progressé», affirme le commandant Alfredo Arenas Moreno, de la police de l'État de Basse-Californie, qui a accordé un entretien par téléphone à La Presse de Tijuana. «Les trafiquants investissent de plus en plus de moyens dans ces tunnels, ce qui signifie qu'ils sont très rentables pour eux.»

Les Américains proactifs

Inquiets de la violation de leur frontière, les États-Unis mettent au point depuis le début de l'année avec le Mexique une stratégie spécifique de coopération bilatérale pour détecter et fermer ces tunnels.

En 2003, les Américains avaient déjà créé la San Diego Tunnel Task Force, qui regroupe des professionnels issus de plusieurs agences de sécurité fédérales. Le rapport de Laura E. Duffy attribue à ce groupe la découverte récente de plusieurs narcotunnels à Tijuana.

La police mexicaine affirme que chacun travaille de son côté de la frontière, même s'il existe des opérations mixtes. Mais pour Fausto Ovalle, directeur du site d'information en ligne La Ch, basé à Tijuana, il n'y a pas de doute: ce sont les agents américains qui ont mis à jour les derniers narcotunnels. «Le travail du renseignement mexicain est très limité. Ce sont les agents américains qui enquêtent au Mexique», affirme-t-il à La Presse.

Les États-Unis font-ils pression sur le Mexique pour éradiquer les narcotunnels? «Je ne parlerais pas de pression mais ils nous ont transmis leur grande préoccupation», explique le commandant Arenas Moreno. «Ils considèrent ces tunnels comme une menace pour leur sécurité nationale. Du côté mexicain, nous luttons surtout contre les cartels de narcotrafiquants, mais dans l'esprit des Américains, il y a toujours la hantise du terrorisme qui plane», analyse ce policier. Les narcotunnels sont aussi utilisés pour faire passer des migrants du côté américain et, dans l'autre sens, pour envoyer des cargaisons d'armes aux cartels mexicains.