La capitale bolivienne La Paz a accueilli triomphalement mercredi quelque 2 000 indiens amazoniens qui viennent de parcourir 600 kilomètres à pied en deux mois pour protester contre un projet de route dont le tracé traverse un parc naturel.

Aux sons des pétards et des chants patriotiques, des dizaines de milliers de personnes se sont massées le long des rues escarpées de la capitale pour célébrer l'arrivée des indiens en brandissant des drapeaux tricolores boliviens et des banderoles blanches ornées du «patuju», une fleur amazonienne qui figure parmi les symboles nationaux du pays andin.

Vers 14H30 locales, les marcheurs ont atteint leur but, la place Murillo, où est situé le palais Quemado, siège de l'exécutif. Ils devaient ensuite rejoindre l'Église San Francisco, située à quelques centaines de mètres, pour y assister à une messe.

«Nous sommes contents d'être arrivés, mais nous n'avons pas encore obtenu ce que nous demandons», déclarait devant les médias Fernando Vargas, un des leaders de la marche.

Après s'être refusé à aller à la rencontre des marcheurs ces dernières semaines, le président socialiste Evo Morales a appelé les leaders de la marche à dialoguer «immédiatement s'ils le désirent, sinon demain» jeudi, a annoncé mercredi à la presse le ministre de la Communication Ivan Canelas.

Nous avons reçu «une invitation (à dialoguer), mais nous n'en avons pas encore discuté», a confirmé aux journalistes Adolfo Chavez, président de la Confédération des peuples indigènes de Bolivie (CIDOB).

Partis le 15 août de Trinidad, dans le nord-est du pays, les marcheurs indiens - moxenos, tacanas et sirionos principalement - exigent l'annulation pure et simple d'un projet contesté de route de 300 kilomètres reliant deux provinces enclavées et qui doit couper sur 177 kilomètres le parc naturel amazonien du Tipnis.

Le 25 septembre, les marcheurs avaient été victimes d'une tentative de dispersion musclée par la police ayant fait 74 blessés selon un bilan officiel.

Cet incident avait provoqué une vague d'indignation, une grève générale, et plusieurs démissions au sommet de l'État, dont celles de deux ministres.

Le chantier de la route, dont la mise en service est prévue pour 2014, a commencé en juin, mais les travaux du tronçon II affectant le Tipnis attendent le feu vert du gouvernement.

Le projet, co-financé par le Brésil et dont la construction est confiée à la firme brésilienne OAS, est présenté par le gouvernement comme un enjeu économique vital pour la Bolivie, un des pays les moins développés d'Amérique du Sud.

Mais les indiens amazoniens craignent, au-delà des dégradations provoquées par les travaux, l'arrivée de planteurs de coca et d'entreprises d'exploitation d'hydrocarbures, qui selon eux convoitent certains terrains du Tipnis, parc naturel d'un million d'hectares et territoire ancestral de 50 000 indiens.

«Tipnis si! Coca No!», scandaient en coeur les soutiens du cortège mercredi à La Paz.

Face à la pression des marcheurs et de l'opinion, le président socialiste avait suspendu le projet début octobre et promis une consultation dans les provinces concernées, mais il avait aussi suggéré que son résultat n'aurait pas valeur contraignante.

Evo Morales, premier président amérindien (aymara) élu en 2005 et réélu en 2009, traverse une phase délicate en se voyant contesté par une partie de sa base indienne et de son électorat d'origine modeste.

Dimanche, les électeurs ont majoritairement suivi les consignes de l'opposition lors de l'élection inédite de leurs juges au suffrage universel, avec une majorité de bulletins blancs ou nuls, infligeant un vote-sanction au gouvernement.