Le mystère plane depuis des décennies. Pablo Neruda, poète chilien lauréat d'un Nobel, aurait sans doute été l'une des voix importantes de la diaspora chilienne pour dénoncer le régime dictatorial du général Augusto Pinochet. Mais il n'en fut rien, car 24 heures avant de quitter son Chili natal, peu après le coup d'État de 1973, le poète a rendu l'âme.

Il était âgé de 69 ans et souffrait d'un cancer de la prostate lorsqu'il s'est éteint, exactement 12 jours après le brutal coup d'État au cours duquel son ami proche, le président socialiste Salvador Allende, a été tué.

Selon la version officielle, Pablo Neruda est mort de causes naturelles.

Certains Chiliens remettent en question depuis des années cette version des faits, soupçonnant plutôt que le régime de Pinochet y serait pour quelque chose.

Ces doutes pourraient revenir à l'avant-scène de l'actualité chilienne puisque le Parti communiste du Chili a demandé que la dépouille de Pablo Neruda soit exhumée afin de vérifier si les allégations à l'effet que le poète aurait été empoisonné s'avèrent.

Le juge qui enquête sur le décès de M. Neruda pourrait ordonner à tout instant que l'on procède à l'exhumation du corps.

L'avocat du Parti communiste, Eduardo Contreras, croit que le poète a été assassiné. Manuel Araya, qui a été chauffeur, garde du corps et assistant de Pablo Neruda au cours de l'année de sa mort, partage le même avis, et ce, même si la théorie de l'assassinat a été écartée par la veuve du défunt écrivain et par sa propre fondation.

Mais depuis environ 40 ans, Manuel Araya n'en démord pas: il soutient qu'un médecin, qui n'était pas le médecin habituel de Pablo Neruda, a injecté au poète une dose létale de poison à la clinique Santa Maria ou qu'il a ordonné à quelqu'un d'autre de le faire.

En entrevue avec l'Associated Press, M. Araya a raconté la dernière journée de son ancien patron à la clinique, où il était traité pour son cancer, pour une phlébite et pour un problème à une hanche.

Manuel Araya l'avait accompagné à la clinique à titre de garde du corps avant son départ prévu du Chili. Il n'était pas à la clinique médicale lorsque M. Neruda aurait reçu l'injection qui lui aurait été fatale, mais il affirme qu'une infirmière lui a fait le récit des événements.

«Comme par hasard», dit-il avec sarcasme, le docteur Sergio Draper «passait dans le couloir lorsqu'une infirmière l'a accroché pour lui dire que Neruda souffrait beaucoup. Et ce docteur, dans toute sa gentillesse, lui a alors injecté une dose de Dipirona (un analgésique), et le Dipirona... l'a tué».

Et pour ajouter à la théorie du complot, c'est dans cette même clinique qu'un autre farouche opposant de Pinochet, l'ancien président Eduardo Frei, aurait lui aussi été empoisonné alors qu'il se remettait d'une chirurgie pour traiter une hernie, en 1982. Un juge a accusé quatre docteurs et deux agents du dictateur de la mort d'Eduardo Frei.

L'un des médecins qui a été interrogé dans cette affaire, sans avoir été accusé? Sergio Draper, que l'Associated Press n'a pas réussi à joindre.