Des milliers d'Haïtiens, victimes du séisme, à qui des passeurs ont fait miroiter l'eldorado au Brésil, ont fui Haïti au cours des derniers mois pour mettre le cap sur le géant sud-américain. Ils se retrouvent maintenant complètement démunis, à chercher un toit et de la nourriture dans la principale ville de l'Amazonie brésilienne, raconte notre collaborateur.

L'église catholique Saint-Gérard, à Manaus, n'a pas connu une telle affluence depuis des décennies. Au grand dam du curé, la foule qui s'entasse sur le parvis et à l'intérieur de l'église n'est pas là pour se recueillir, mais plutôt pour y dormir.

Depuis des semaines, des centaines d'Haïtiens arrivent tous les jours à Manaus et se dirigent vers les églises en quête d'un toit temporaire et de quelque chose à manger. Les différentes communautés religieuses se sont regroupées et ont loué des maisons pour les loger, le temps qu'ils trouvent un travail.

«On nous prévient qu'il en arrivera 450 de plus au cours des prochaines heures. Je tremble à l'idée d'en voir arriver autant d'un seul coup», s'inquiétait hier le père Gelmino Costa. «Nous n'avons déjà plus d'endroits où les loger et nous n'avons aucune aide gouvernementale en ce moment», renchérit le curé de l'église Saint-Gérard.

Rumeur de vie meilleure

Cette arrivée massive d'Haïtiens au Brésil prendrait son origine d'une rumeur lancée par des passeurs en Haïti faisant miroiter que le géant sud-américain offre une vie meilleure, sur un plateau d'argent.

«On leur fait croire qu'ils vont avoir un appartement et un emploi payant dès leur arrivée au Brésil. Ce sont des mensonges», affirme Marie Catelli, Haïtienne qui vit à Manaus depuis 28 ans.

C'est justement ce qui a poussé Vuerda Fenelon à quitter Port-au-Prince le 21 novembre dernier. Elle est arrivée à Manaus il y a trois semaines. «Je suis venue au Brésil pour travailler parce que ma maison a été détruite dans le tremblement de terre et je n'avais plus de travail, raconte-t-elle. Je n'ai pas plus de maison ici pour l'instant. Je vis chez le père Gelmino, mais j'ai besoin de travailler pour pouvoir me payer mon propre appartement», raconte d'une voix anxieuse la jeune Haïtienne de 27 ans.

Comme Vuerda, plus de 4000 Haïtiens sont arrivés dans les villes frontalières de Brasiléia et de Tabatinga au cours des derniers mois. Pris de court, le gouvernement de Dilma Rousseff a dû adopter une loi «humanitaire» le 16 janvier pour régulariser la situation de ces réfugiés.

Tous ceux qui se trouvaient en sol brésilien à cette date ont obtenu un visa de travail valide pour cinq ans.

«Dès qu'ils obtiennent leur visa du gouvernement fédéral, on leur demande de quitter ces deux petites villes pour un plus grand centre. Manaus est le grand centre le plus près de Tabatinga», soutient le père Gelmino.

Jusqu'à présent, on compte plus de 3600 Haïtiens à Manaus. On en attend plus de 1000 au cours des deux à trois prochaines semaines.

Haïtiens refoulés au Pérou

Avec sa loi du 16 janvier, le Brésil a également fermé sa frontière aux réfugiés haïtiens. Ils doivent maintenant faire une demande officielle de visa à l'ambassade du Brésil à Port-au-Prince, qui promet d'accorder des visas à 100 familles par mois.

En transit au moment où la loi a été adoptée, plus de 254 Haïtiens sont ainsi bloqués depuis quelques semaines dans la ville frontalière d'Inapari, au Pérou.

«Nous n'avons plus de maison en Haïti. Les choses sont très difficiles», a affirmé Jalemo Angeli, à la chaîne de télévision péruvienne CH9. «Nous avons travaillé très fort pour sortir du pays à la recherche d'une vie meilleure», raconte le jeune homme au milieu d'un camp de fortune, monté dans un parc public de la petite ville.

En visite officielle à Port-au-Prince mercredi, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a réitéré à son homologue Michel Martelly l'ouverture du Brésil à recevoir des immigrants haïtiens en vertu de la nouvelle loi, mais entend s'attaquer avec fermeté aux coyotes qui vont tenter de les faire entrer illégalement au pays.

Photo fournie par le New York Times