Une campagne difficile commence lundi en Colombie pour le chef de l'État Juan Manuel Santos, devancé au premier tour de la présidentielle face à Oscar Zuluaga, farouche opposant au processus de paix en cours avec la guérilla des FARC.

Longtemps donné favori du scrutin, M. Santos, qui n'a obtenu que 25,6 % des voix contre 29,3 % pour son rival dimanche soir, dispose d'à peine trois semaines, avant le second tour du 15 juin, pour défendre ses négociations avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Au pouvoir depuis 2010, ce dirigeant de centre droit de 62 ans a affirmé que les électeurs avaient désormais «deux options» : «la fin de la guerre ou la guerre sans fin» avec la principale guérilla colombienne, qui compte encore près de 8000 combattants après un demi-siècle d'existence.

Les négociations, qui se déroulent sans cessez-le-feu depuis 18 mois à Cuba, ont abouti à des accords sur une réforme rurale, à l'origine même de la naissance des FARC, la participation des ex-guérilleros à la politique et la lutte contre le trafic de drogues.

«Un pays divisé»

«Les résultats ne sont pas encore totalement négatifs pour Santos, mais ils montrent un pays divisé, où Zuluaga a capitalisé la méfiance de millions de personnes envers les FARC», explique à l'AFP Miguel Garcia, codirecteur de l'Observatoire de la démocratie à l'Université des Andes de Bogota.

Ancien ministre de l'Économie, le candidat de l'opposition peut s'appuyer sur le soutien de poids de l'ex-président conservateur Alvaro Uribe, toujours auréolé par les revers militaires infligés à la guérilla durant son gouvernement entre 2002 et 2010.

Récemment élu sénateur, le prédécesseur de M. Santos n'a cessé d'accuser son ancien ministre de la Défense, dont il fut autrefois le mentor, de «trahir la patrie» et d'offrir aux FARC une «impunité».

Dans sa lignée, M. Zuluaga a réaffirmé lundi lors d'une conférence de presse à Bogota qu'il suspendrait immédiatement les négociations en cours et exigerait de la guérilla «la fin de toute action criminelle».

«Si les FARC veulent une paix négociée, il doit y avoir des conditions», a-t-il souligné. Le candidat conservateur réclame ainsi un cessez-le-feu bilatéral des FARC et, insistant sur la nécessité d'envoyer leurs chefs en prison, propose des «peines réduites de six ans».

«Un second tour très dur»

La campagne du premier tour avait été marquée par des scandales : un conseiller présidentiel accusé d'avoir touché des pots-de-vin de la mafia et un membre de l'équipe de M. Zuluaga poursuivi pour avoir intercepté les courriels de M. Santos.

Le second tour s'annonce à peine moins tendre. «Le second tour va être très dur, les discours vont se radicaliser. Il semble clair qu'il y a un groupe d'électeurs très fidèles à Uribe», analyse le politologue et expert électoral, Fernando Giraldo.

Crédité d'une popularité de 38 %, le président sortant semble aussi payer le prix d'un mécontentement social dans ce pays de 47 millions d'habitants où la pauvreté touche le tiers de la population, malgré une croissance supérieure à 4 %.

«La manière de défendre les acquis du gouvernement de Santos en matière économique et sociale a été déficiente», estime Patricia Muñoz, professeure de sciences politiques à l'Université Javeriana de Bogota.

Après un premier tour marqué par une abstention d'environ 60 %, la clé de la victoire finale résidera sans doute dans les reports de voix.

Les électeurs de la candidate conservatrice Marta Lucia Ramirez (15,6 %) semblent plus proches de M. Uribe, alors que ceux de Clara Lopez, auteure d'un des meilleurs scores de la gauche (15,3 %), pourraient voter pour M. Santos afin de soutenir la paix avec les FARC. Dernier de la liste, l'ex-maire centriste de Bogota, Enrique Peñalosa (8 %), s'est lui démarqué des deux camps.

«Si l'on fait une somme arithmétique, les alliances favorisent Santos pour le second tour, mais la base n'obéit pas toujours à ses dirigeants», prévient l'historien Dardo Acevedo, professeur à l'Université nationale.