Barack Obama a découvert La Havane dimanche, en famille et sous une pluie battante, devenant le premier président américain en exercice à se rendre à Cuba depuis la révolution castriste de 1959.

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«¿Que bola Cuba?» («Comment ça va Cuba?»), a lancé M. Obama sur son compte Twitter en utilisant une expression populaire, quelques secondes après l'atterrissage d'Air Force One sur l'aéroport Jose Marti, du nom du père de l'indépendance de cette ancienne colonie espagnole.

«Je suis très émue, c'est un moment que nous attendions tous mais regardez, il est ici, à Cuba!», s'extasiait Amarilis Sosa, 46 ans, une habitante du centre de La Havane, en regardant en direct à la télévision l'arrivée sous la pluie du président américain.

Barack Obama, sa femme Michelle et leurs deux filles, Malia, 17 ans, et Sasha, 14 ans, ont parcouru à pied les rues détrempées de la vieille Havane.

Un impressionnant déploiement de forces de police limitait cependant singulièrement l'accès à cette partie de la ville, classée au patrimoine de l'Unesco et toilettée pour l'occasion.

La famille Obama s'est notamment rendue dans la cathédrale de La Havane, trésor baroque du XVIIIe siècle, où elle a rencontré le cardinal Jaime Ortega, un des artisans du rapprochement américano-cubain.

«C'est énorme (...) Je pense vraiment que cela va changer l'avenir», expliquait Ariel Hernandez, ingénieur de 42 ans. «Depuis que je suis petit, on me raconte l'histoire de la révolution et cette histoire, c'était d'abord celle d'être contre les États-Unis».

Dissidents interpellés

Avec ce voyage, M. Obama, qui quittera la Maison-Blanche dans 10 mois jour pour jour, veut rendre irréversible le spectaculaire rapprochement engagé le 17 décembre 2014 - après 18 mois de négociations secrètes - avec le président cubain Raul Castro.

Quelques heures avant son arrivée, les autorités cubaines ont arrêté plusieurs dizaines de dissidents lors de l'habituelle procession dominicale des Dames en Blanc, près d'une église de l'ouest de La Havane.

M. Obama, qui devait rencontrer des dissidents mardi, a prévenu qu'il évoquerait «directement» les droits de l'Homme lors de ses entretiens lundi avec Raul Castro, qui a succédé à son frère Fidel voici presque 10 ans.

«C'est une visite historique et une occasion historique», a-t-il souligné en rencontrant le personnel de l'ambassade américaine, neuf mois après le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux anciens pays ennemis.

«En 1928, le président (américain Calvin) Coolidge était venu sur un navire militaire, cela lui avait pris trois jours. Cela m'a pris seulement trois heures», a-t-il ajouté, en référence au dernier chef d'État américain en exercice à s'être déplacé sur l'île.

La famille Obama est ensuite partie dîner dans un «paladar» (restaurants privés, souvent chics, qui se sont développés ces dernières années sur l'île communiste) de la capitale cubaine, en rapide transformation depuis l'annonce du rapprochement avec Washington.

L'arrivée du premier président noir des États-Unis - de 30 ans plus jeune que Raul Castro - a une dimension symbolique forte pour la communauté afro-cubaine, notoirement sous-représentée au sein des élites politiques cubaines. 

Discours dans un théâtre 

Le temps fort de la visite du 44e président des États-Unis sera le discours qu'il prononcera mardi dans un théâtre de La Havane, devant un public sélectionné et les caméras de la télévision cubaine.

«L'idée (de M. Obama) est de promouvoir une transition progressive, d'encourager un atterrissage en douceur à Cuba en évitant une éruption de la violence ou une crise migratoire majeure», souligne Richard Feinberg, de la Brookings Institution à Washington.

«C'est une stratégie sur le long terme, il regarde au-delà des dirigeants actuels», ajoute-t-il, évoquant le départ de Raul Castro, 84 ans, qui doit se retirer en 2018.

Selon la Maison-Blanche, aucune rencontre n'est prévue avec l'ex-président Fidel Castro, âgé de 89 ans.

Malgré l'engouement autour de ce déplacement longtemps impensable, l'embargo qui bride le développement de l'île depuis 1962 demeure en place et les changements espérés par Washington pourraient tarder à se concrétiser.

Avant la visite, le ministre cubain des Affaires étrangères a rappelé que La Havane n'était pas disposée à «renoncer à un seul de ses principes (...) pour avancer vers la normalisation».

La Maison-Blanche a décrété ces derniers mois une série de mesures pour assouplir l'embargo, dont la levée totale dépend du Congrès américain.

La chaîne hôtelière Starwood a annoncé samedi avoir obtenu le feu vert du Département du Trésor pour ouvrir deux hôtels à La Havane, devenant ainsi la première multinationale américaine à s'installer à Cuba depuis l'arrivée au pouvoir à La Havane, en 1959, de Fidel Castro et de ses «barbudos».

PHOTO REUTERS

L'avion du président américain survolant La Havane dimanche.