(Barinas) « Cela faisait 23 ans que nous vivions cette calamité. Ça ne pouvait pas durer », commente Adela Aliso, 62 ans, une bougie à la main, pendant la messe célébrant la victoire du candidat de l’opposition Sergio Garrido à l’élection du gouverneur du Barinas, un État de l’ouest du Venezuela dirigé depuis 1998 par les membres de la famille de l’ancien président Hugo Chavez.

Dimanche, après un premier scrutin annulé par la justice en novembre, l’opposition y a obtenu un succès historique, l’opposant Sergio Garrido ayant recueilli 55,36 % des suffrages, contre 41,27 % pour l’ex-gendre d’Hugo Chavez et ancien vice-président Jorge Arreaza, qui avait pourtant bénéficié de tout le soutien et des moyens du pouvoir.

« David contre Goliath »

« Prions pour notre gouverneur qui a été David contre Goliath », a dit le prêtre Victor Manuel Roa dans la cathédrale de style colonial espagnol de Barinas, pleine à craquer pour accueillir Sergio Garrido, le nouveau gouverneur, inconnu ou presque il y a quelques semaines.  

Elu régional, M. Garrido, 54 ans, avait remplacé au pied levé le candidat de l’opposition Freddy Superlano, qui était en tête de l’élection quand la justice avait annulé cette dernière et l’avait déclaré inéligible en novembre.

« Le peuple du Barinas s’est réveillé, s’est levé après ma victoire […] le 21 (novembre) et a compris qu’avec le vote, qui est l’arme des démocrates, nous pouvions obtenir des changements », a déclaré M. Garrido à l’AFP, ne fermant pas la porte à des discussions avec le pouvoir : « Nous sommes prêts à discuter avec qui on doit discuter, mais à condition que ce soit pour aider le peuple du Barinas, qui en a tant besoin ».  

Près d’un quart de siècle de main mise de la famille Chavez sur le poste de gouverneur de cet État stratégique se termine ainsi. La dynastie avait commencé avec le père du président, Hugo de los Reyes Chavez (1998-2008) et s’était poursuivie avec ses frères Adan (2008-2016) et Argenis (2017-2021).

« Ca se termine où ça a commencé »

« Ça se termine où ça a commencé », a écrit sur son compte Twitter Juan Guaidó, l’opposant numéro un au gouvernement du président Nicolas Maduro. « Unis, nous allons défendre la volonté […] de connaître à nouveau la démocratie au Venezuela ».

Au cours d’une conférence de presse lundi, il a parlé de « leçon de résistance », mais c’est sans doute surtout une leçon de politique pour l’ensemble de l’opposition qui a été incapable de s’unir en novembre pour les élections régionales.

Divisée, elle a été battue à plate couture, le pouvoir ayant été vainqueur dans 19 des 23 États en jeu ainsi que pour la mairie de Caracas alors même que le Venezuela est empêtré depuis sept ans dans une crise économique qui a fait chuter le PIB par habitant de ce pays producteur de pétrole au niveau de celui d’Haïti.

Cette victoire dans le fief même des Chavez est tout un « symbole », estime Luis Vicente Leon, le directeur du cabinet Datanalisis, soulignant qu’elle redonne sa place au « vote […] contre l’abstention ».  

L’opposition avait boycotté la présidentielle de 2018 remportée par M. Maduro et les législatives de 2020.  

Le pouvoir a reconnu sa défaite, Jorge Arreaza l’ayant même annoncée avant la proclamation officielle des résultats.  

Mais, lundi, il est revenu à la charge.

« Nous n’avons pas atteint les objectifs […] pour le moment », a-t-il lancé, paraphrasant Hugo Chavez qui avait utilisé ces mots en 1992 après un coup d’État avorté… sept ans avant de prendre le pouvoir en 1999 et de le garder jusqu’à sa mort en 2013.

« Gérez bien votre victoire, ne vous trompez pas parce qu’ici il y a le peuple ! », a averti M. Arreaza.

De fait, alors que certains espèrent que l’opposition va surfer sur la victoire dans le Barinas pour remporter la présidentielle de 2024 ou faire organiser un référendum en vue de révoquer M. Maduro, Mariano de Alba, un expert d’International Crisis Group, estime que la situation n’a pas radicalement changé : « Je ne vois pas le pouvoir prêt à concéder une défaite sans un accord préalable avec l’opposition sur les règles du jeu et sur ce qu’il adviendrait du chavisme s’il perdait ».