(Quito) « Semer la terreur » : neuf personnes ont été tuées mardi dans l’attaque indiscriminée, par des dizaines d’hommes armés, d’un port de pêche artisanale de la ville d’Esmeraldas, dans le nord-ouest de l’Équateur, nouvelle escalade de la violence sur cette côte Pacifique gangrénée par le narcotrafic et les rivalités sanglantes entre gangs.

Une trentaine d’assaillants, venus par bateaux et en voiture, ont fait irruption dans le port et ont ouvert le feu sur la foule des pêcheurs artisanaux, a indiqué le ministre de l’Intérieur Juan Zapata, faisant état de neuf morts.

« Sept cadavres ont été retrouvés dans le port de pêche artisanale et deux dans un centre de santé voisin », a précisé le bureau du procureur.

Selon le ministre Zapata, s’exprimant dans un média local, « les pêcheurs étaient sous la protection d’un groupe criminel », et c’est un groupe rival qui a mené l’attaque en « représailles ».

L’incident a eu lieu vers 9 h heure locale, alors que plus d’un millier de personnes se trouvaient dans le petit port dans le nord de la ville, près des plages de Las Playas, a expliqué M. Zapata : « il y avait entre 1500 et 2000 personnes dans le port à ce moment-là, imaginez la barbarie de ceux qui ont fait ça ».

Les assaillants cagoulés, « fortement armés » et agissant comme des « criminels », ont ouvert le feu sur la foule sans discrimination. Les victimes sont pour la plupart des personnes « modestes » du secteur, a-t-il ajouté.

Sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, les corps ensanglantés des victimes, manifestement de simples pêcheurs et civils, gisaient sur les quais du port, sous le regard des badauds paniqués et des policiers l’arme à la main. Des policiers et des civils étaient également occupés à sortir des corps de l’eau.

PHOTO POLICE NATIONALE ÉQUATORIENNE, FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Des membres de la police portent un homme blessé.

« Massacre »

Selon le commandant de la police dans la province, le général Fausto Buenano, les assaillants ont voulu « semer la terreur parmi la population ». Au moins 200 impacts de balles ont été relevés sur place et un des véhicules ayant servi à l’attaque a été abandonné sur place, toujours selon la police.

Plusieurs médias locaux ont évoqué « un massacre ».

« Nous allons les capturer ! », a affirmé sur Twitter le président Guillermo Lasso. « La police et l’armée sont déployées dans tout Esmeraldas à la recherche des responsables de ce crime », a déclaré M. Lasso, se disant « solidaire des familles des victimes ». « Pour elles, nous n’aurons de cesse qu’ils ne soient arrêtés ».

Sur Twitter, l’armée équatorienne a annoncé avoir « intensifié ses opérations militaires […] afin de localiser les responsables de la fusillade », et avoir « déployé des moyens par air, mer et terre dans les secteurs les plus conflictuels ».

PHOTO RODRIGO BUENDIA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président équatorien Guillermo Lasso

Le 3 mars dernier, le président Lasso avait décrété l’état d’urgence pour 60 jours dans l’ensemble de la province d’Esmeraldas, frontalière avec la Colombie, ainsi qu’à Guayaquil, grande ville portuaire dans le sud-ouest du pays, des zones minées par le trafic de drogues et les rivalités sanglantes entre cartels.

Situé entre la Colombie et le Pérou – les principaux producteurs de cocaïne au monde –, l’Équateur a saisi un record annuel de 210 tonnes de drogue en 2021, principalement de la cocaïne, à destination des ports européens.

En 2022, les saisies ont dépassé les 200 tonnes de drogue et le gouvernement a déclaré la guerre aux trafiquants, qui défendent violemment les voies d’expédition.

Parallèlement, le taux d’homicide a presque doublé. Entre 2021 et 2022, il est passé de 14 à 25 pour 100 000 habitants, selon les autorités.

Guayaquil, plaque tournante commerciale du pays et lieu d’expédition de la plupart des drogues, restait jusqu’à présent l’une des villes les plus touchées par la violence.

Les prisons équatoriennes sont par ailleurs le théâtre de massacres récurrents entre détenus, toujours sur fond de rivalités entre groupes criminels. Depuis février 2021, huit massacres ont été recensés dans ces prisons, avec plus de 400 prisonniers tués, la plupart démembrés et brûlés.