(Buenos Aires) Plusieurs dizaines de personnes ont été blessées, dont une gravement, mardi lors de violents heurts entre manifestants et forces de l’ordre, dans la province argentine de Jujuy (nord-ouest), en lien avec des protestations contre une réforme de la constitution provinciale, selon les médias locaux.

Pendant environ quatre heures, quelques centaines de manifestants ont lancé des pierres sur les forces de l’ordre dans la capitale provinciale de San Salvador de Jujuy (1500 km de Buenos Aires), incendiant des voitures, la police répliquant par des gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc notamment, selon des images de télévision.

Les médias locaux ont fait état de plusieurs dizaines de blessés, entre manifestants et forces de l’ordre, et le directeur des services d’urgence (SAME) de Jujuy, a estimé dans l’après-midi sur la télévision TN qu’« entre 50 et 70 personnes ont reçu une assistance médicale », la plupart pour des blessures légères, des impact de pierres ou de balles en caoutchouc, avec « une seule personne dans un état grave, pour un traumatisme crânien ».

Des images de télévision avaient montré un manifestant allongé sur le sol, avec une flaque de sang près de la tête.

Une source du ministère de la Sécurité de la province de Jujuy a fait état auprès de l’AFP d’au moins 20 interpellations.

Les heurts survenaient après deux semaines de manifestations et blocages de routes par divers secteurs - fonctionnaires, enseignants, membres de communautés autochtones - protestant contre une réforme de la constitution provinciale de Jujuy, gouvernée par Gerardo Morales (droite, opposant au gouvernement national) et pré-candidat à l’élection présidentielle d’octobre en Argentine.

La nouvelle constitution provinciale - l’Argentine est un état fédéral - est notamment rejetée par les représentants des communautés autochtones locales, qui estiment qu’elle fragilise leurs droits sur leurs terres traditionnelles, et les ressources naturelles de celles-ci, dans une province rurale, touristique, mais aussi riche en lithium.

M. Morales a annoncé lundi retirer deux articles sur ce point afin de les rediscuter, comprenant les « doutes » des communautés autochtones. Mais le nouveau texte a été adopté mardi par la législature locale sous sa forme partielle, sur fond de manifestation qui débordait au-dehors.

Un autre aspect controversé du nouveau texte prévoit une limitation des formes de protestation sociale, interdisant notamment les blocages de routes et occupations d’édifices publics.

Plusieurs blocages de routes étaient encore en cours mardi dans d’autres points de la province de Jujuy, selon une source de sécurité provinciale.

Le gouverneur de Jujuy et le gouvernement national s’accusent mutuellement d’être à l’origine des troubles. M. Morales a dénoncé une politisation par la gauche radicale, et par le « kirchnérisme » au pouvoir à Buenos Aires, disant tenir « le président @alferdez (Alberto Fernandez) et la vice-présidente @CFKArgentina (Cristina Kirchner) responsables de la violence extrême qui se vit à Jujuy ».

Alberto Fernandez a pour sa part exigé mardi que « cesse immédiatement la répression » à Jujuy, jugeant M. Morales « unique responsable » de la situation, et dénonçant une constitution provinciale « qui ne respecte pas la Constitution nationale ».

Dans un communiqué mardi, la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) a dit « observer avec préoccupation les actions menées pour disperser les manifestations dans la province de Jujuy en Argentine ».

La CIDH a appelé à « respecter le droit à la liberté d’expression, les normes interaméricaines d’usage de la force, et à mener un processus de dialogue efficace, inclusif et interculturel, dans lequel les droits des syndicats et des peuples autochtones sont respectés ».