(México) Les forces armées mexicaines prennent le contrôle du principal aéroport de la capitale, et le gouvernement prévoit de donner aux militaires les commandes de près d’une dizaine d’autres à travers le pays, alors que le président s’attaque à la corruption et à la mauvaise gestion.

Depuis son élection en 2018, le président Andrés Manuel Lopez Obrador a confié aux forces armées un large éventail de tâches non traditionnelles, suscitant des inquiétudes quant à la séparation entre l’armée et la vie civile.

Un nouvel aéroport a été construit par l’armée à l’extérieur de Mexico il y a un an, pour un coût de 4,1 milliards. Il est géré par les militaires, mais peu utilisé.

M. López Obrador affirme que le vieil aéroport, le plus fréquenté du pays, sera géré par la marine.

Celle-ci avait pris en charge la sécurité de l’aéroport international de Mexico, ou Benito Juárez, il y a plus d’un an. Elle contrôlera bientôt tout le reste, des douanes à l’immigration en passant par la gestion des bagages et le nettoyage des salles de bain, grâce à la publication imminente d’un décret présidentiel officialisant cette décision.

La liste des problèmes de l’aéroport de Mexico comprend depuis longtemps d’importantes expéditions de drogue et l’immigration clandestine. Les infrastructures étaient délabrées et un certain nombre d’accidents évités de justesse ont été signalés sur les pistes ces dernières années, l’aéroport ayant de plus en plus de mal à gérer les vols.

L’aéroport était également réputé pour le vol de bagages, la mauvaise gestion des horaires des compagnies aériennes, l’absence de contrats et la corruption.

L’aéroport, qui est utilisé par quelque 4 millions de voyageurs chaque mois, sera « une entreprise au sein d’une entité militaire navale », a déclaré le contre-amiral Carlos Velázquez Tiscareño, directeur de l’aéroport âgé de 73 ans, lors d’une récente entrevue. Mais, a-t-il ajouté, « cela ne ressemblera pas à un département militaire ».

Contrairement à l’autre aéroport de la capitale, Felipe Angeles, où les troupes de la Garde nationale prennent les billets des passagers à la porte, à Benito Juarez, les seuls militaires en uniforme sont les 1500 marines déployés depuis février 2022 pour la sécurité.

Le reste du personnel de l’aéroport sera composé de civils, mais « avec des règles plus claires qui régissent avec plus d’ordre et de discipline », a indiqué M. Velázquez Tiscareño.

Il mentionne que la marine va créer une société appelée Casiopea pour gérer l’aéroport et six autres qui présentent des « déficiences » et sont « aux mains du crime organisé ». Parmi ces aéroports figurent Matamoros, de l’autre côté de la frontière avec les États-Unis, et Playa del Carmen.

M. López Obrador a déjà déclaré qu’il prévoyait de confier une douzaine d’aéroports à l’armée ou à la marine d’ici à la fin de son mandat, en 2024. D’ici la fin de l’année, l’armée devrait commencer à exploiter sa propre compagnie aérienne commerciale.

Selon Rogelio Rodríguez Garduño, expert en droit de l’aviation à l’Université nationale autonome du Mexique, la prise de contrôle de l’aéroport va à l’encontre des recommandations internationales en matière d’aviation, qui établissent une distinction claire entre le militaire et le civil. Mais les conséquences juridiques de cette décision restent floues.

Au début de l’année, la Cour suprême du Mexique a statué que le transfert de la Garde nationale d’un contrôle civil à un contrôle militaire était inconstitutionnel. M. López Obrador a laissé la garde sous la responsabilité d’un département civil, mais avec un chef opérationnel militaire.

Selon M. Rodríguez Garduño, l’aviation mexicaine a besoin de plus d’argent, de plus de formation et de régimes d’inspection, entre autres mesures, pour améliorer sa compétitivité sur la scène mondiale.

Il a ajouté qu’il n’était pas certain que l’armée puisse contribuer à résoudre tous ces problèmes.

Pendant toute la durée de son mandat, le président López Obrador s’est tourné vers les forces armées pour leur demander de l’aide, en leur confiant certaines tâches liées à l’immigration et le contrôle des ports et des douanes.

Elles construisent également de grands projets d’infrastructure tels qu’un train touristique traversant la péninsule du Yucatan et un nouvel aéroport dans la même région. Elles gèrent même des pépinières et des voyages touristiques dans une ancienne colonie pénitentiaire.