(Guatemala) La justice guatémaltèque a semé mercredi soir la confusion à un mois du second tour de l’élection présidentielle : le Tribunal Suprême Electoral (TSE) a validé les résultats du premier tour pendant qu’un autre tribunal a suspendu le parti du candidat qui avait créé la surprise.

Le TSE a proclamé la qualification pour le second tour de M. Bernardo Arevalo, qui a créé la surprise au premier tour et de Mme Sandra Torres au terme d’une vérification des votes exigée par la Cour constitutionnelle à la demande des principaux perdants.

Mercredi soir également, le chef du parquet spécial contre l’impunité (FECI) Rafael Curruchiche a annoncé sur les réseaux sociaux que la personnalité juridique du parti Semilla (graine) de M. Arevalo avait été suspendue par un tribunal pénal, ce qui pourrait l’empêcher de concourir au second tour programmé pour le 20 août.

M. Curruchiche, visé par des sanctions de Washington en raison des poursuites intentées contre des juges anticorruption, a invoqué des irrégularités présumées dans la collecte des signatures nécessaires à la légalisation de la formation politique.

« Profonde inquiétude » de Washington

À Washington, le chef de la diplomatie américaine pour l’Amérique latine Brian Nichols a aussitôt salué sur Twitter la « confirmation de la volonté du peuple » par le TSE, mais a déclaré également sa « profonde inquiétude en raison des nouvelles menaces (qui pèsent) sur la démocratie électorale au Guatemala ».

A la surprise générale, Mme Torres et M. Arrevalo, tous deux sociaux-démocrates, s’étaient retrouvés en tête des 22 candidats à la présidence au premier tour, marqué par une forte abstention et un grand nombre de bulletins nuls.

Favorite des sondages et candidate malheureuse à plusieurs reprises auparavant, Sandra Torres, ex-épouse de l’ancien président de gauche Alvaro Colom (2008-2012), a obtenu presque 16 % des voix.

Le député Bernardo Arevalo, fils du premier président démocratiquement élu du pays, Juan José Arevalo (1945-1951), a créé la surprise avec presque 12 % des suffrages. Il était placé en 8e position avec 2,9 % des intentions de vote dans le dernier sondage préélectoral de l’institut Prodatos.  

Les évictions avant même la présidentielle de trois favoris, dont une dirigeante maya, avaient semé le doute sur la loyauté du scrutin et sur l’impartialité des institutions électorales et judiciaires. Celles-ci sont accusées par l’opposition et des organisations de défense des droits de l’homme de manœuvrer pour perpétuer un régime corrompu fondé sur la cooptation par l’oligarchie.

L’élection d’un social-démocrate constituerait une rupture après trois présidences de droite successives : Otto Perez (2012-2015), Jimmy Morales (2016-2020 et le président sortant Alejandro Giammattei.

La décision du tribunal à l’encontre du parti de M. Arevalo est déjà la cible des critiques, car elle est en contradiction avec la loi guatémaltèque qui stipule qu’un « parti ne peut être suspendu après la convocation d’une élection ».

Le Guatemala est l’un des pays les plus inégalitaires d’Amérique latine, juge la Banque mondiale, avec 10,3 millions de ses 17,6 millions d’habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté et un enfant sur deux qui souffre de dénutrition chronique selon l’ONU.