Un photojournaliste québécois a été agressé au Brésil mercredi alors qu’il préparait un reportage sur le sort des Guaranis, un peuple autochtone du sud du pays qui subit « d’extrêmes violences » des fermiers locaux.

Basé à Québec, Renaud Philippe se rend fréquemment dans ce pays d’Amérique du Sud depuis deux ans avec sa conjointe, une anthropologue d’origine brésilienne, afin d’y documenter le phénomène des « retomada ».

Dans l’état du Mato Grosso do Sul, à la frontière du Paraguay, où il se trouvait au moment des faits, des champs de monocultures à perte de vue ont remplacé la forêt amazonienne sur des terres autrefois occupées par les Guaranis.

Dans le cadre d’actions pacifiques, ces derniers occupent les champs afin de faire valoir leurs droits ancestraux. Ils font alors face à « d’extrêmes violences » de la part des fermiers locaux et de leurs employés, témoigne Renaud Philippe.

Informés que trois Guaranis sont portés disparus depuis plusieurs jours après avoir présumément été enlevés lors d’un « retomada », le photojournaliste québécois et sa conjointe ont décidé de se rendre sur place, mercredi, dans l’espoir de documenter la situation.

Passé à tabac

Joint jeudi soir dans une localité où il se dit « en sécurité », mais dont il préfère taire l’emplacement exact, Renaud Philippe raconte avoir alors rencontré des policiers locaux à qui il s’est présenté comme journaliste.

Après avoir quitté les lieux dans un premier temps, le groupe dont il faisait partie est finalement revenu sur place pour tomber face à face avec plusieurs dizaines de camionnettes qui bloquaient la route. Tout autour, des dizaines d’individus masqués et armés de pistolets rangés bien à la vue : des fermiers locaux et leurs employés.

« J’ai travaillé dans de nombreuses zones de conflit, mais j’avais rarement été témoin d’autant de rage », raconte le photographe, encore ébranlé par les évènements.

Rapidement, il se fait tabasser par un groupe d’homme jusqu’à ce qu’il se retrouve par terre, dans la boue. Sa conjointe se fait molester et menacer. La voiture du duo est vidée de tous ses biens : caméras, passeports, cartes de crédit. « Ils ont tout pris », dit Renaud Philippe.

« Il n’y a pas de justice »

Le pire, se souvient-il, ce sont les policiers locaux qu’il avait d’abord croisés et qui l’ont regardé se faire passer à tabac sans lever le petit doigt. Un exemple parmi d’autres du peu de considération des autorités locales pour le drame vécu par les Guaranis selon lui.

Contacté par de nombreux médias nationaux et internationaux pour témoigner de ce qu’il a vécu, le photojournaliste entend justement profiter de l’occasion pour mettre en lumière le sort de ces autochtones dépossédés de leurs terres et l’inaction des policiers locaux dans le dossier.

« On veut dire les choses telles qu’elles sont. En deux ans, on a photographié des tombes de gens qui se sont fait tirer dans le dos. Il n’y a pas de justice qui est rendue », dénonce-t-il.

Dépouillé de son passeport, Renaud Philippe précise être en contact avec l’ambassade du Canada au Brésil. Il prévoit rentrer au pays sous peu avec sa conjointe.