(Buenos Aires) Séduits par son discours ou juste avides de changement, ils ont été le cœur de l’électorat de Javier Milei : à la veille de l’investiture dimanche du président ultralibéral, nombre de jeunes Argentins en situation précaire espèrent un changement concret dans leur vie.

« Quand Milei remettra l’économie en marche, j’ai plein d’idées d’affaires à monter, j’ai l’esprit très entrepreneur ». Sami Santa Cruz, 21 ans, s’enthousiasme à l’idée de l’Argentine libérale promise par l’économiste Milei, dont il est un soutien de la première heure.

Coursier d’une application de livraisons repas à domicile, il incarne ce profil que la presse a baptisé « vote Rappi » (du nom d’une entreprise de livraison) : jeune, emploi précaire et/ou mal payé, situation de famille/logement non stabilisée, perspectives incertaines.

À 21 ans, Sami Santa Cruz partage un appartement de trois pièces avec sa compagne, leur bébé d’un an, ses parents et son jeune frère, à Villa Lugano, un quartier populaire en petite périphérie de Buenos Aires.  

« Quand Milei a gagné, c’était un tel soulagement ! J’ai confiance en lui ! » assure-t-il, convaincu d’un retour de fortune pour le pays, et pour lui par conséquent, grâce à une dérégulation de l’économie et une réforme du marché du travail.

« Le seul qui parlait d’avenir »

Avec l’Argentine pro-business promise par Milei « vont arriver plein d’entreprises qui n’avaient jamais été dans le pays, comme Tesla, ou Amazon », et avec elles des opportunités, pressent le jeune homme.

Il n’y a pas encore de radiographie détaillée du vote jeune au second tour de la présidentielle remporté par Milei avec 55,6 %. Mais les primaires d’août avaient montré une prédominance des moins de 30 ans dans son électorat, et une préférence plus marquée encore chez les 16-24 ans (les Argentins peuvent voter à 16 ans).

Selon un sondage post-élection, fin novembre, plus de 76 % des moins de 25 ans ont une image positive de Milei, et 78 % sont convaincus que son gouvernement va s’en sortir.

« Milei est le seul des candidats qui parlait d’avenir, d’espérance, c’est une des raisons pour lesquelles il a touché les jeunes », quand les autres « avaient un discours de référence au passé », analyse Pablo Vommaro, sociologue spécialiste d’études de la jeunesse à l’Université de Buenos Aires.

Pour autant, nombre de jeunes électeurs de Milei approchés par l’AFP au long de la campagne n’exprimaient pas, loin s’en faut, leur accord avec toutes les positions du candidat ultralibéral, telles son opposition à l’avortement, ou la dollarisation de l’économie. Mais la volonté de changement était la plus forte.

« Lui disait “tout ce qui s’est passé est mauvais, et ce qui vient à l’avenir est forcément prometteur, puisque nous allons faire table rase de tout de qui existe” », ajoute M. Vommaro.

« Lui donner du temps »

Cette conscience d’un panorama délétère, avec une inflation à 143 %, et selon le sociologue 13 % des jeunes au chômage, 20 % d’autres en emploi précaire ou informel, génère chez les jeunes partisans de Milei une forme d’impatience, mais aussi d’indulgence.

« Je voudrais qu’il commence à travailler sur ses propositions dès la première heure », espère Luna Block qui, à 20 ans jongle comme beaucoup d’Argentins entre deux emplois, professeur de gym et un coup de main dans le kiosque à journaux de sa mère près de la gare Centrale. « Économiquement je m’en tire pas mal, mais pas du mieux possible non plus », souffle-t-elle.

Elle est prête à donner à Milei un peu de temps avant de le juger, « car la situation n’est pas facile ». Mais « il suscite chez moi des attentes positives ».

« Rien que s’il réalisait 50 % de ce qu’il a dit, ça changerait beaucoup notre avenir », abonde Franco Propato, vendeur de cycles de 23 ans dans le sud de la capitale qui lui aussi se dit prêt à accorder un peu de patience au nouveau président.

« Parce qu’évidemment, la politique qu’on mène depuis 40 ans nous laisse dans un sacré bordel, et ça ne pourra pas être réparé du jour au lendemain », raisonne-t-il.

Jusqu’où sa patience ira-t-elle alors que le futur président a lui-même déclaré que l’inflation ne pourrait pas être maîtrisée avant « 18 à 24 mois » ?

« Je ne crois pas que ce sera si long », veut croire le jeune homme, résolument optimiste.