(Quito) Dans les rues vidées par la peur, les rares passants marchent d’un pas rapide, le regard alerte, et parlent à voix basse. La terreur s’est installée en Équateur avec l’escalade du conflit entre les forces armées et les gangs de narcotrafiquants.

Depuis lundi, les membres de gangs ont kidnappé des policiers et des gardiens de prison, ouvert le feu dans un studio de télévision pendant une émission en direct, déclenché des explosions dans des lieux publics et menacé d’exécuter des personnes au hasard. Selon le dernier bilan officiel, 14 personnes ont trouvé la mort, dont deux policiers.

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Des soldats des forces armées du pays interceptent des hommes à Quito.

« Aujourd’hui, (je ressens) un peu de colère, la peur c’était hier », dit à l’AFP Fernando Escobar, propriétaire d’un café dans la capitale équatorienne.

Dans son kiosque à journaux près d’un hôpital du centre-ville de Quito, Rocio Guzman dit entendre encore résonner dans sa tête les détonations d’une fusillade mardi après-midi à quelques rues de son commerce.

« Les magasins ont fermé, les gens fuyaient », raconte à l’AFP cette commerçante de 54 ans, qui mercredi n’a exposé en devanture que quelques magazines par crainte d’être volée.

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Un homme traverse une rue déserte d’Huaquillas, en Équateur.

Elle dit avoir voulu faire des courses avant de rentrer chez elle, mais « tout était fermé ». « À huit heures du soir, il n’y avait rien, pas de voitures, pas de magasins » ouverts, explique-t-elle.

Dans la ville portuaire de Guayaquil (sud-ouest), victime de la violence entre gangs, car point d’exportation de la cocaïne vers l’Europe et les États-Unis, la plupart des hôtels, bureaux et commerces étaient fermés mercredi. Les rares passants fuyaient même les questions des journalistes.

La vague de violence qui paralyse le pays a pris naissance dimanche après l’évasion d’Adolfo Macias, alias « Fito », chef du principal gang criminel du pays, Los Choneros, suivie de multiples mutineries dans plusieurs établissements pénitentiaires. Le gouvernement venait d’annoncer quelques jours plus tôt la construction de nouvelles prisons de haute sécurité.

« Beaucoup de peur »

Au parc La Carolina, dans le cœur financier de la capitale, plane un lourd silence au-dessus des installations sportives habituellement fréquentées.  

De rares commerces sont ouverts et dans certaines rues, il y a plus de policiers que de passants.

« Ce qui nous fait sortir c’est la nécessité d’aller travailler, il y a beaucoup de peur, on ne sait pas ce qui va se passer », dit à l’AFP Daniel Lituma, 30 ans, propriétaire d’une boulangerie dans le centre historique, près du siège du gouvernement gardé par des dizaines de soldats lourdement armés.

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Un soldat équatorien mène la garde à Quito.

Il raconte qu’il était en train de faire des courses mardi avec sa femme lorsque ses employés l’ont alerté de pillages en cours. En l’absence totale de bus, il s’est mis à courir pour aller rejoindre sa fille dans la boulangerie puis se barricader.

Mercredi, quelques bus circulaient, avec une fréquence de passages bien moindre qu’à l’accoutumée. Les temps d’attente aux arrêts étaient longs, mais les passagers se réjouissaient de ne pas avoir à autant marcher que la veille.

La solidarité a pris le relais : des inconnus ont partagé les places disponibles à bord de véhicules où se sont réunis pour marcher ensemble afin d’exorciser la peur d’être attaqués.

Les universités et les écoles ont fermé aussi leurs portes, dispensant les cours en virtuel.

Les entreprises qui le pouvaient ont laissé leurs salariés télétravailler, ou ont accordé du temps partiel, comme à Manuel Muñoz, vendeur de matériel médical de 34 ans. Il a opté pour un retour anticipé chez lui, dans le sud de Quito, et avec ses parents âgés, il échange « des nouvelles toutes les heures » par téléphone, explique-t-il.

Santiago Enriquez, chauffeur de taxi, est attentif à sa radio et aux messages de ses collègues. Il est rassuré de savoir ses enfants en sécurité à la maison.

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Le président de l’Équateur Daniel Noboa

Il se satisfait de la forte présence des forces armées dans les rues depuis la mobilisation appelée par le président Daniel Noboa pour « neutraliser » les quelque 20 000 membres de la vingtaine de gangs de narcocriminels.

« Ils (le gouvernement) vont agir plus durement et c’est ce que les gens veulent pour se sentir en sécurité », affirme M. Enriquez.