(Caracas) Maria Corina Machado, qui a remporté haut la main la primaire de l’opposition vénézuélienne en vue de la présidentielle de 2024, est pour le moment hors course : la Cour suprême du Venezuela, souvent accusée d’être aux ordres du pouvoir, a confirmé vendredi son inéligibilité.  

Mme Machado, 56 ans, « est disqualifiée pour 15 ans », écrit la Cour, en jugeant « nulle » la demande de la candidate, qui contestait son inéligibilité pour des irrégularités administratives et trahison après avoir soutenu les sanctions américaines contre le gouvernement de Nicolas Maduro. L’opposition a toujours refusé ces sanctions, estimant que Mme Machado était innocente.

Le président Nicolas Maduro prend le « pire chemin » vers des « élections frauduleuses », a réagi Mme Machado. « Cela n’arrivera pas. Que personne n’en doute, nous irons jusqu’au bout », a-t-elle affirmé sur le réseau X.

« Le régime a décidé de mettre fin à l’accord de la Barbade. Ce qui n’est PAS terminé, c’est notre lutte pour la conquête de la démocratie par le biais d’élections libres et équitables », a-t-elle ajouté.

La décision de la Cour était très attendue, l’opposition – qui avait boycotté la présidentielle de 2018 – et les États-Unis ayant fait de la levée des inéligibilités des opposants un de leurs chevaux de bataille.

Les États-Unis n’ont pas encore réagi à cette décision.

De nombreux observateurs estiment que Mme Machado, une libérale réputée pour sa combativité, peut être capable de rallier derrière elle une opposition souvent divisée par le passé face à Nicolas Maduro, qui briguera un troisième mandat présidentiel.  

PHOTO LEONARDO FERNANDEZ VILORIA, REUTERS

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro

Le pouvoir a souvent usé du stratagème des inéligibilités pour écarter des rivaux tant au niveau national que local.

La levée de l’inéligibilité des opposants est un des principaux points d’achoppement des négociations entre pouvoir et opposition. L’accord qu’ils ont signé à la Barbade en octobre 2023 avait ouvert la possibilité pour ceux « aspirant à se présenter » à la présidentielle de 2024, de contester leur inéligibilité. Mme Machado avait présenté un recours dans ce cadre.

« Aspiration au changement »

L’accord de la Barbade prévoyait aussi que la présidentielle se tiendrait au deuxième semestre 2024 avec la présence d’observateurs internationaux. Les États-Unis avaient annoncé un assouplissement pour six mois de leurs sanctions dans la foulée de ces accords.  

Candidat malheureux en 2012 face à l’ancien président Hugo Chavez, mort en 2013, puis face à l’actuel président Nicolas Maduro en 2013, l’opposant Henrique Capriles, qui avait renoncé à participer aux primaires de l’opposition, a aussi vu son inéligibilité confirmée pour 15 ans, en raison d’irrégularités administratives présumées lorsqu’il était gouverneur de l’État de Miranda.

PHOTO FERNANDO LLANO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Henrique Capriles

« Ce qu’ils ne pourront jamais disqualifier, c’est l’aspiration au changement du peuple vénézuélien. Le rêve d’avoir un pays où la Constitution et les lois sont égales et respectées par tous. Où le gouvernement s’occupe d’assurer le bien-être et la qualité de vie de la population […]. 2024 doit être l’année du peuple vénézuélien », a réagi M. Capriles sur X.

Accusé d’irrégularités administratives, Mme Machado avait été déclarée inéligible un an en 2015 pour avoir participé en tant qu’« ambassadrice suppléante » du Panama à une réunion de l’Organisation des États américains (OEA). Panama l’avait invitée pour lui permettre de dénoncer les violations présumées des droits de la personne lors des manifestations réclamant le départ de M. Maduro. La répression avait fait une quarantaine de morts.

Mme Machado a vu la durée de son inéligibilité étendue à 15 ans en juin 2023, pour avoir « demandé l’application de sanctions » américaines. Elle a toujours assuré n’avoir jamais été officiellement informée de cette mesure.  

Malgré son inéligibilité, elle avait recueilli plus de 2 millions de voix (92 % des suffrages) lors des primaires de l’opposition en octobre.

Jeudi, le président Maduro avait estimé que les accords de la Barbade étaient « blessés à mort » après l’annonce, ces derniers jours par les autorités, qu’il avait déjoué des complots visant à l’assassiner.  

De son côté, le président du Parlement Jorge Rodriguez, également chef de la délégation du pouvoir lors des négociations avec l’opposition, avait minoré l’importance de ces accords de la Barbade : « Avec ou sans sanctions, avec ou sans opposition, avec ou sans observateurs internationaux […] en 2024, il y aura des élections présidentielles parce que c’est ce que prévoit la constitution ».  

Il avait aussi laissé entrevoir la décision de justice concernant Mme Machado : « Il est hors de question que cette femme soit candidate à quelque élection que ce soit ».