(Caracas) Pas « d’élections sans moi », a lancé lundi la candidate de l’opposition vénézuélienne à la présidentielle 2024, Maria Corina Machado, après une condamnation à 15 ans d’inéligibilité.

Trois jours après la décision de la Cour suprême du Venezuela qui l’a décrétée hors course, les États-Unis ont annoncé lundi qu’ils réactivaient les sanctions à l’encontre de la compagnie minière publique Minerven.  

Le président « Nicolas Maduro ne va pas choisir le candidat du peuple, parce que le peuple a déjà choisi son candidat, point final », a affirmé Mme Machado.  

Agée de 56 ans, cette libérale réputée pour sa combativité a remporté haut la main en octobre la primaire de l’opposition vénézuélienne, recueillant plus de 2 millions de voix et 92 % des suffrages.  

De nombreux observateurs estiment que la candidate peut ainsi rallier derrière elle toute l’opposition, traditionnellement très divisée.

« Nous allons gagner […] J’ai reçu le mandat de près de 3 millions de Vénézuéliens qui ont exercé leur souveraineté populaire le 22 octobre. Je représente cette souveraineté populaire. Vous ne pouvez pas organiser des élections sans moi et sans les millions de Vénézuéliens qui ont voté », a-t-elle ajouté, soulevant les applaudissements de ses partisans.

« Nous avons un mandat clair et sans équivoque, nous vaincrons Nicolas Maduro lors de l’élection présidentielle de cette année », dont la date reste à fixer, a ajouté la candidate de l’opposition.

Mme Machado avait contesté son inéligibilité décrétée notamment pour « trahison » pour avoir soutenu les sanctions américaines contre le gouvernement Maduro.

« Ils n’ont pas tenu parole »

La possibilité de contester la décision devant la Cour suprême avait été obtenue grâce à la pression des États-Unis, dans le cadre d’un processus de négociation entre le pouvoir et l’opposition, sous médiation norvégienne.

Un accord signé à la Barbade en octobre 2023 prévoit la présence d’observateurs internationaux et garantit que le scrutin se tiendra au deuxième semestre.  

En réponse à cet accord, Washington avait réautorisé l’achat de gaz et pétrole vénézuélien pour une durée de six mois, pouvant être renouvelée si « le Venezuela respecte les engagements pris dans le cadre de l’accord électoral » ainsi que concernant des personnes détenues.

Mais après le rejet de l’appel de Mme Machado, ils ont annoncé qu’ils imposaient à nouveau des sanctions à l’encontre de la compagnie publique Minerven, qui exploite des mines d’or.

L’organisme de contrôle financier (OFAC) du département du Trésor américain a indiqué lundi dans une note qu’il donnait jusqu’au 13 février pour « terminer toute transaction en cours » avec Minerven.  

« Une fois de plus ils ont violé ce qui avait été convenu dans ce processus (de négociation), ils n’ont pas tenu parole […] Ils ont violé les procédures, ils ont inventé des documents », a estimé Mme Machado.

De son côté, le pouvoir estime que la justice a tranché : « Il y avait un mécanisme volontaire : ceux qui voulaient faire appel faisaient appel et s’engageaient aussi à respecter le résultat. C’est du passé », a déclaré lundi Jorge Rodríguez, président du Parlement et chef de la délégation du pouvoir aux négociations.  

« Il n’y a plus rien à dire », a-t-il insisté, ajoutant que l’opposition faisait preuve d’une « profonde arrogance ».

Samedi, la délégation de l’opposition aux négociations a exigé que la décision soit annulée et a alerté la Norvège, la France, la Colombie et le Brésil, pays impliqués dans les négociations.  

Dans un communiqué lundi matin, l’Union européenne s’est dite « très préoccupée » par la décision de la Cour suprême.

« Les décisions visant à empêcher les membres de l’opposition d’exercer leurs droits politiques fondamentaux ne peuvent que nuire à la démocratie et à l’État de droit », indique le communiqué.

L’avocat constitutionnaliste Juan Manuel Rafalli estime que Mm Machado pourrait « intenter une action contre la décision ou exiger la nullité de l’acte administratif ».  

« Mais il s’agit d’un problème politique, pas d’un problème juridique », a-t-il indiqué à l’AFP. « S’il n’y a pas un pouvoir judiciaire indépendant et autonome […] vous n’obtiendrez jamais une réponse favorable ».  

Le dialogue entre le gouvernement et l’opposition a débuté en août 2021 et a été bloqué à deux reprises avant la signature de l’accord à la Barbade. Aucune des deux parties n’a exprimé l’intention de quitter la table pour le moment.