(San Salvador) Plébiscité par les Salvadoriens pour sa guerre menée contre les bandes criminelles, le jeune chef de l’État Nayib Bukele devrait être largement réélu dimanche au premier tour de la présidentielle.

Le président taxé d’autoritarisme s’est tout de même investi dans la campagne pour renouveler sa majorité au parlement et pouvoir proroger l’état d’urgence en cours depuis 2022.

Élu une première fois en 2019, terrassant les deux partis au pouvoir (Arena, à droite, et le FMLN, héritier de la guérilla marxiste) depuis la fin de la guerre civile au Salvador (1979-1992), il jouit aujourd’hui d’une popularité sans équivalent, à 90 % d’opinions favorables, selon le Latinbarometro.

L’opposition est en lambeaux. Ses cinq candidats n’atteignent pas les 5 % dans les derniers sondages.

Les 6 214 399 millions d’électeurs inscrits, dont 741 094 à l’étranger, essentiellement aux États-Unis, se rendront aux urnes de 7 h locales (8 h heure de l’Est) jusqu’à 17 h (18 h heure de l’Est) dans près de 1700 centres de vote, dont un immense dans la capitale.

PHOTO MARVIN RECINOS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une bannière à l’appui du président sortant Nayib Bukele

Les Salvadoriens louent la « guerre contre les gangs » de Nayib Bukele, qui a placé derrière les barreaux quelque 75 000 criminels (environ 7000, injustement arrêtés, ont été innocentés), transformant, selon lui, le Salvador en « pays le plus sûr au monde ».  

Le taux d’homicide a été réduit à 2,4 pour 100 000 habitants en 2023 contre 106,3 en 2015, alors l’un des plus élevés au monde hors période de conflit. L’extorsion dont vivaient ces bandes criminelles locales, les maras, a disparu.

Les meurtres imputables aux gangs du MS-13 et du Barrio 18 sont passés de plus de 800 en 2019, à 57 l’année dernière, selon l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled).

« Il a nettoyé (le pays) des gangs et de la délinquance, ce que personne n’osait imaginer. On se sent aujourd’hui en sécurité pour se rendre dans certains quartiers où on n’avait plus été depuis des années », dit à l’AFP Claudia De Velasco, architecte de 72 ans à la retraite.

« Irréversible »

Pour pouvoir décider seul de la poursuite de sa politique sécuritaire, Nayib Bukele, 42 ans, a appelé ses concitoyens à confirmer lors des législatives concomitantes la majorité de son parti Nuevas ideas à l’Assemblée, dont il réduit le nombre de parlementaires.  

« Notre pays a changé, personne ne peut le nier, mais notre tâche, ce dimanche, est de garantir que ces changements seront définitifs », a-t-il lancé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, où il a 5,8 millions d’abonnés sur X.

« Nous avons déjà vaincu le bipartisme, nous avons déjà la gouvernance. Maintenant, rendons cette voie irréversible » et « montrons au monde entier que les Salvadoriens soutiennent ce projet », a-t-il ajouté.

Ex-maire de San Salvador (2015-2018) entré en politique en 2012, Nayib Bukele avait entamé sa conquête d’un pouvoir total en remplaçant les juges de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême et le procureur général du Salvador. Il est ainsi parvenu à contourner la Constitution, qui n’autorise qu’un seul mandat présidentiel, en se voyant accorder un congé de six mois avant le vote.

Bukele, qui concentre désormais tous les pouvoirs, se qualifie volontiers de « dictateur cool » pour tourner en dérision ses détracteurs qui l’accusent d’autoritarisme avec son état d’urgence en cours depuis 22 mois et une armée omniprésente dans les rues.

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Une murale représentant le président Bukele, qui se qualifie lui-même de « dictateur cool ».

Les arrestations sans mandat judiciaire et la construction d’une méga-prison de haute sécurité aux conditions de détention très strictes s’accompagnent d’allégations de violations généralisées des droits humains.

Une fois son pouvoir encore plus consolidé, l’enjeu pour Nayib Bukele sera de contrer la pauvreté qui touche 29 % de la population afin de dissuader les nombreux Salvadoriens qui continuent d’émigrer vers les États-Unis à la recherche d’un emploi.

Pour Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, l’intérêt particulier de cette élection dans le plus petit État d’Amérique centrale « est l’impact que va avoir le plébiscite dont va probablement bénéficier Bukele sur toute une partie du spectre politique en Amérique latine, et peut-être au-delà, à aller vers ce type de régime […] qu’on peut qualifier de populisme autoritaire ou de libéral autoritaire ».

« Si Bukele l’emporte haut la main, ça va renforcer ce type de tendance politique », estime-t-il.