(La Haye) L’enquête entamée par la Cour pénale internationale (CPI) sur des « crimes contre l’humanité » qu’aurait commis le gouvernement au Venezuela en 2017 va suivre son cours en dépit de l’opposition de Caracas, a décidé vendredi le tribunal international.  

La CPI a annoncé son rejet d’un appel interjeté auprès d’elle par les autorités de Caracas, qui avaient demandé en août 2022 l’interruption d’une enquête sur des violations présumées des droits humains lors de manifestations de l’opposition, au cours desquelles plus de 100 personnes ont été tuées, affirmant qu’elles mèneraient leur propre enquête.

Les juges de la cour internationale ont autorisé en juin 2023 le procureur général Karim Khan à reprendre ses investigations, car, avaient-ils estimé, il semblait que le Venezuela n’enquêtait pas sur les allégations de crimes contre l’humanité.

Caracas avait justifié son appel de cette décision en novembre en affirmant que le Venezuela ne pouvait pas enquêter correctement sur les allégations de Karim Khan car les informations provenant du bureau du procureur étaient trop vagues.

« Aucune raison »

« La chambre d’appel rejette les arguments avancés par le Venezuela », a déclaré vendredi Marc Perrin de Brichambaut, juge de la juridiction qui siège à La Haye.

La cour estime que le procureur « a fourni des détails sur les crimes allégués » et « ne trouve aucune raison convaincante de s’écarter de la décision de la chambre préliminaire », a affirmé le magistrat.

« La chambre d’appel rejette donc l’appel et confirme la décision contestée » autorisant la reprise de l’enquête, a-t-il ajouté.

Les investigations de la CPI se concentrent sur la répression exercée par les forces de sécurité lors des manifestations déclenchées par l’arrestation de plusieurs dirigeants de l’opposition et la décision de la Cour suprême de dissoudre l’Assemblée nationale dominée par l’opposition.

Le Venezuela a dénoncé une « décision infondée » de la CPI « qui cherche à cacher la vérité sur le Venezuela, dans un cas évident d’instrumentalisation politique contre le pays », a déclaré sur X la vice-présidente Delcy Rodríguez.

« Toute cette manœuvre a été construite à partir de la manipulation d’un petit ensemble de crimes » qui ont fait ou font l’objet d’une enquête et de sanctions par la justice au Venezuela, a affirmé le ministère vénézuélien des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le procureur de la CPI a salué la décision qui confirme selon lui que « les procédures pénales nationales du gouvernement du Venezuela ne reflètent pas suffisamment la portée de l’enquête » prévue par son bureau.

La décision de la cour « est une lueur d’espoir pour les victimes des violations systématiques des droits humains par le gouvernement Maduro » et « confirme ce que ces victimes savent déjà : en l’absence de justice véritable au Venezuela, la CPI constitue une voie essentielle vers la responsabilisation », a déclaré l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué.

Cinq pays d’Amérique du Sud et le Canada ont porté la situation au Venezuela devant la CPI en 2018.

Le procureur Khan a ouvert une enquête formelle en novembre 2021, signant un accord avec le pésident Maduro selon lequel le Venezuela garantirait que le tribunal puisse y fonctionner correctement.

Depuis 2017, plus de 200 membres de la police et de l’armée ont été inculpés ou condamnés pour violations des droits humains, a déclaré Caracas en avril 2022.

L’opposition affirme que ces mesures ont été prises simplement pour éviter une enquête de la CPI.