Ottawa n'entend pas élargir les critères d'admissibilité au programme de réunification familiale comme le réclament à grands cris les membres de la communauté haïtienne de Montréal, le gouvernement du Québec et les partis de l'opposition.

«Si nous élargissons la définition de famille - qui est déjà la plus généreuse au monde -, ça va inclure potentiellement des dizaines de milliers de personnes, que nous ne sommes pas en mesure de traiter», a expliqué hier le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, en entrevue à La Presse.

Actuellement, le programme de réunification familiale permet de faire venir au pays les membres de la famille immédiate: parents, enfants, conjoint, grands-parents. Or, la communauté haïtienne réclame des mesures exceptionnelles afin d'inclure dans les personnes admissibles les frères, soeurs, oncles, tantes, neveux et nièces.

«Il y aura une certaine flexibilité pour les cas vraiment exceptionnels, mais on ne changera pas la loi, a rétorqué le ministre Kenney, sans appel. Il faut traiter tout le monde de façon juste et équitable.»

Par souci d'équité, donc, les règles seront les mêmes que dans le cas du tsunami qui a frappé l'Indonésie en 2004, du séisme qui a eu lieu Chine en 2008 et des tempêtes qui ont ravagé les Philippines l'année dernière.

Ottawa refuse aussi d'abolir les frais liés aux dossiers de réunification familiale. «On maintient les frais pour les demandes faites au Canada parce qu'on ne veut pas encourager une vague de demandes qui ne seraient pas conformes», a dit le ministre.

Sans tarder, les partis de l'opposition ont vivement dénoncé la position du gouvernement canadien. «Nous sommes très déçus des décisions du ministre de l'Immigration, Jason Kenney. Nous croyons que c'est essentiel d'assouplir les réglementations d'immigration dans un moment de crise, afin d'aider nos concitoyens haïtiens à faire venir leur famille d'Haïti», a dit le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff.

Au NPD, où on réclame depuis le séisme que les frères et soeurs soient ajoutés aux membres de la famille admissibles au programme de réunification, on entend continuer à mettre de la pression sur le gouvernement.

«La réplique de ce matin démontre toute l'importance d'assouplir les règles de sorte que des gens puissent retrouver un sentiment de sécurité ici, au Canada», a souligné Jack Layton.

Le gouvernement refuse également d'accueillir des Haïtiens à titre de réfugiés, comme on l'avait fait notamment pendant la guerre du Kosovo. La priorité de la communauté internationale doit être la reconstruction, et non le déplacement de la population haïtienne, a souligné le ministre Kenney. «Je comprends l'angoisse des Canadiens d'origine haïtienne face à la situation. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement fait plus que n'importe quel gouvernement du monde, en proportion, pour aider les gens en Haïti. Mais il y a certaines attentes qui ne sont pas réalistes. On ne peut pas faire plus», a-t-il dit.

M. Kenney a par ailleurs annoncé hier que son ministère accélérerait le traitement des dossiers d'adoption ouverts avant le séisme.

Les dossiers qui ont déjà été approuvés par les provinces et le gouvernement haïtien pourraient se régler en quelques jours ou quelques semaines, a-t-il dit. La difficulté, actuellement, est de fournir les preuves que les autorités haïtiennes avaient approuvé les demandes puisque les dossiers ont disparu et que le juge responsable de l'adoption étrangère à Port-au-Prince est lui-même mort dans le tremblement de terre. Le ministère de l'Immigration a dépêché des fonctionnaires supplémentaires en Haïti, a indiqué le ministre, et le gouvernement haïtien a annoncé la mise sur pied d'un comité spécial pour revoir et approuver rapidement les demandes d'adoption.