Craignant que les dons du public ne tarissent avec le temps, les Architectes de l'urgence invitent la population à mettre un peu d'argent de côté pour financer la reconstruction d'Haïti, qui s'échelonnera sur une bonne dizaine d'années.

Déjà sur place depuis vendredi avec six experts - dont deux Québécois -, la fondation internationale Architectes de l'urgence est bien placée pour évaluer les dégâts et l'ampleur des travaux qui permettront au pays de se relever du séisme.

 

Jointe à Paris, la directrice de la fondation, Alice Moreira, se réjouit de la générosité des citoyens à l'égard des Haïtiens, mais elle s'inquiète de voir les dons disparaître le jour où les journalistes cesseront de couvrir la tragédie.

«Les fonds qui ont permis de gérer l'après-tsunami en Indonésie ont été envoyés dans les trois premières semaines suivant la catastrophe. Nous savons donc que nous avons une fenêtre de tir très étroite», note-t-elle.

Même son de cloche de la part du président de l'antenne canadienne de la fondation, Bernard McNamara: «Le message que je lance aux Canadiens, c'est gardez-vous un peu de sous pour les ONG spécialisés dans la reconstruction.»

Mais pour l'instant, l'heure est aux travaux d'urgence, tant pour les travailleurs humanitaires que pour les architectes. L'équipe dépêchée sur place, à laquelle appartiennent Claude Robert et Jean-Paul Boudreau, tous deux de la firme Jodoin Lamarre Pratte et Associés, a pour mandat premier de sécuriser les constructions.

Accompagnés d'ingénieurs haïtiens, ils doivent vérifier si les bâtiments qui ont tenu le coup sont assez solides pour être utilisés, réparer les murs de soutènement au besoin, empêcher l'accès aux parties dangereuses des constructions, etc.

«Nous avons commencé avec les centres de santé, les hôpitaux, les blocs opératoires, mais aussi quelques immeubles administratifs, comme les écoles et les universités, explique Alice Moreira. Puis, dans un deuxième temps, nous nous attellerons à la planification de la reconstruction.»

M. McNamara souhaite partager l'expertise de son organisation avec les délégués qui se réuniront lundi à Montréal, dans le cadre de la toute première rencontre des pays donateurs qui amorcera officiellement la planification de la reconstruction. Créé en 2001, Architectes de l'urgence a oeuvré partout dans le monde, après différents types de sinistres: inondations, séismes, explosion d'usine chimique, etc.

Afin d'éviter les erreurs commises ailleurs (maisons préfabriquées envoyées à la hâte mais jamais assemblées, bâtiments sans lien avec les besoins et la culture de l'endroit, etc.), Architectes de l'urgence recommande d'agir prestement mais intelligemment, en mettant les Haïtiens à contribution à chaque étape.

Aussi, il faut s'abstenir d'ériger des constructions temporaires, souligne Bernard McNamara, car elles deviennent trop souvent permanentes. Il importe de «reconstruire vite mais pas précaire, en adéquation avec l'habitat local, les usages sociaux et les contraintes environnementales», selon le fondateur de l'organisation, Patrick Colombel.

Les architectes estiment qu'Haïti peut fort bien profiter de cette crise et de la reconstruction, à condition d'éviter les erreurs du passé, comme celle de bâtir sans égard à la zone sismique.

Combien de temps tout cela prendra-t-il? Entre 5 et 10 ans facilement, estime M. McNamara.