Les blessés du séisme débordent jusqu'en République dominicaine, où les corridors de l'hôpital de Melanciano de Jimani, à quelques kilomètres de la frontière, sont remplis d'Haïtiens aux bras et aux jambes cassées - parfois amputés -, aux plaies vives infectées et à la vie presque toujours brisée.

Des dizaines de patients sont couchés sur des matelas posés à même le sol. Plusieurs sont allongés jusque dans le hall d'entrée de l'urgence. La salle d'opération est bondée. Un peu partout, des gens crient.

 

La nouvelle tournait en boucle à la radio haïtienne depuis quelques jours: l'hôpital de Jimani avait dépassé plusieurs fois sa pleine capacité. Un reportage de Radio-France internationale parlait de 700 patients pour une capacité de 70 lits.

À notre arrivée, la situation s'était améliorée. À l'hôpital de Melenciano, les médecins et infirmières ne parlent plus que d'une centaine de patients. Depuis quelques jours, on n'y accueille que les cas les plus urgents. Les autres sont transférés ailleurs.

Depuis une semaine, 3000 patients sont passés par ici, évalue une volontaire de USAID. Quelque 240 cas de traumas auraient été diagnostiqués. On aurait fait plus de 720 chirurgies. Cinquante amputations. En ce moment, dit-elle, il y a 400 patients répartis dans trois centres de la ville.

«Mercredi, c'était difficile parce que l'hôpital était rempli de monde et il y avait des blessures très graves», explique Benny Roth, un Allemand de 19 ans qui travaillait comme volontaire auprès des enfants d'une ville voisine, lorsque la tragédie est survenue. Depuis cinq jours, il s'est transformé en préposé aux bénéficiaires et il se démène comme il peut dans cet hôpital surpeuplé.

Carlos Saint-Marc a 25 ans. Il est de Port-au-Prince. Ses blessures ne sont pas vraiment visibles, mais il dit avoir mal aux bras et à la tête. «Toute ma maison s'est écrasée, j'étais à l'intérieur», raconte le jeune homme.

Des médecins dominicains se sont occupés de lui. Ils lui ont fait une radiographie. Il devrait recevoir son congé sous peu.

Mais pour Carlos, comme pour la plupart des Haïtiens croisés ici, l'éventualité de rentrer à la maison est repoussée le plus loin possible, comme un mauvais souvenir.

«Je ne veux pas retourner à Port-au-Prince, plus jamais! lance-t-il. Je veux rester en République dominicaine et chercher du travail.»

Un peu plus loin, une adolescente au regard timide longe les murs d'un couloir sombre à la peinture défraîchie. L'un de ses pieds est dans le plâtre.

«Toute ma famille est morte dans le tremblement de terre, explique Darline Fils. Moi, je n'étais pas à la maison.»

Elle aussi voudrait rester en République dominicaine. Mais elle n'a aucun papier d'identité sur elle. À la frontière, on a reçu l'ordre de laisser passer tous les blessés.

Benny Roth croit que les organisations internationales devraient être plus présentes dans cette ville frontalière.

«Il n'y a pas de vrai camp de réfugiés. La ville n'est pas préparée pour faire face à cet afflux de blessés avec leur famille. Il y a tellement d'Haïtiens ici qui n'ont rien à boire, rien à manger. Il y a un besoin criant que des organisations s'occupent d'eux.»

«Et puis, il y a après. Je veux dire... Qu'est-ce que tous ces gens-là vont faire?»