Cette fin de semaine, le Dr Michael Williams, qui dirige le gigantesque hôpital temporaire de 200 lits que les Américains ont installé à l'aéroport de Port-au-Prince, a vu trois patients mourir du tétanos. Du jamais vu selon le médecin, qui craint qu'une épidémie ne foudroie les habitants de la capitale haïtienne.

«La première victime hurlait de douleur. Son corps était tout crispé. À un point tel qu'à un moment donné, elle ne pouvait plus respirer, raconte le spécialiste de l'Université de Miami, visiblement troublé par ce décès. C'est dur pour nous. Car on essaie de sauver tout le monde.»

Le Dr Williams n'avait jamais vu personne mourir du tétanos, une maladie aiguë causée par une bactérie présente dans le sol. Selon lui, les premiers symptômes sont des vomissements. Puis, les muscles des victimes deviennent «crampés». «C'est très douloureux. Les patients en meurent rapidement»,

dit le Dr Williams.

Les trois personnes décédées du tétanos à l'hôpital américain sont toutes âgées de moins de 25 ans. Parce que la majorité de la population haïtienne n'est pas vaccinée contre cette maladie, les risques d'épidémie sont grands, estime le Dr Williams.

«D'autant plus que des milliers de personnes présentent des plaies ouvertes, petites ou grandes, depuis le tremblement de terre. Un jeune garçon est mort samedi matin parce qu'une toute petite plaie à son petit doigt s'était infectée.» Le tétanos ne transmet pas de personne à personne. Il se développe le plus souvent dans des plaies contaminées par de la terre ou des excréments d'animaux, selon Santé Canada.

Chirurgien à l'hôpital américain, le Dr David Pitcher craint lui aussi une épidémie de tétanos. Il rappelle que, contrairement à d'autres tragédies, le séisme d'Haïti cause encore plusieurs morts, près de trois semaines plus tard. «Et ce n'est pas fini. Des gens continuent de mourir tous les jours ici. Ça ne ralentit pas.»

Samedi midi, le Dr Pitchner opère un jeune homme de 18 ans dans son bloc opératoire. Le patient présente une immense plaie sanguinolente au coude droit. «Il s'est fait amputer dans un autre hôpital. Mais la plaie s'est infectée, explique le Dr Pitchner. Les grosses taches noires dans la plaie sont causées par l'infection.» Dans un ultime effort pour freiner l'apparition de tétanos, le Dr Pitcher vaccine son jeune patient. «Je le fais à tout le monde. Par prévention», dit-il.

Tout en opérant, le Dr Pitchner parle des nombreux blessés qui affluent tous les jours. «Au début, c'était les blessés par le séisme lui-même. Puis il y a eu les fractures sévères. Maintenant il y a le tétanos. On ne peut vraiment pas prédire ce qui s'en vient. Personne n'a jamais rien vu de tel.»

Par ailleurs, la sécurité à l'hôpital américain de l'aéroport est bien précaire. Des dizaines de proches des personnes qui y sont hospitalisées se rendent sur les lieux et engorgent les tentes. Parfois, la tension monte. À un point tel que l'hôpital a fermé complètement ses portes à trois reprises depuis jeudi.

«Chaque fois, on ne ferme jamais plus de quatre heures. Ça nous attriste de devoir chasser les gens comme ça. Mais sinon, la cohue devient dangereuse», affirme le Dr Williams.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, le tétanos fait chaque année 420 000 victimes dans le monde, presque exclusivement dans les pays en voie de développement. La maladie est l'une des principales causes de décès

des nouveau-nés.