Le gouvernement haïtien a annoncé dimanche que les enfants retourneront en classe dès cette semaine en province et dans les écoles intactes de Port-au-Prince. Pour les élèves des 8000 écoles détruites ou lourdement endommagées de la capitale, ce ne sera pas avant le mois de mars.

Comme c'est presque toujours le cas en Haïti, il y a toutefois un écart important entre ce que dit le gouvernement et la réalité sur le terrain.

 

En fait, les cours reprendront effectivement cette semaine dans les régions éloignées de la capitale, peu touchées par le tremblement de terre. Mais à Port-au-Prince, personne ne croit que la reprise soit possible ces jours-ci. Peut-être même pas en mars.

Tout le monde veut bien rouvrir les écoles et reprendre les cours, mais bien peu de gens sont prêts à retourner dans des immeubles, même sécuritaires, traumatisés qu'ils sont par le séisme du 12 janvier.

Dans certains quartiers, on fera une timide tentative ce matin. Au collège Véréna, école privée du quartier Delma 2 gérée par l'Armée du Salut, seuls les élèves de sixième et neuvième années fondamentales et leurs professeurs sont invités à rentrer aujourd'hui. Ces jeunes devront se soumettre aux examens nationaux, fin juin, pour pouvoir passer au degré suivant et on craint que leur année scolaire soit compromise s'ils ne reprennent pas rapidement.

La direction de l'école, qui accueille normalement 1500 enfants, admet qu'il ne s'agit que d'un modeste test.

«On ne sait pas combien de nos élèves ont péri et on ne sait pas non plus si les enfants et les enseignants voudront retourner dans l'école, explique Minel Pierrefils, administrateur du collège Véréna. On essaye de se réorganiser timidement pour sauver l'année scolaire, mais c'est seulement un essai. Puisque Dieu nous a fait la grâce de sauver une partie de notre édifice, on rouvre.»

La direction demande toutefois aux élèves de ne pas venir à l'école en uniforme, question de ne pas créer un mouvement chez les autres élèves, qui devront attendre encore quelques semaines.

Cette décision vient du collège Véréna, et non du ministère de l'Éducation, qui n'a envoyé aucun mot d'ordre, précise M. Pierrefils.

Pour bien des Haïtiens rencontrés hier, il s'agit d'une preuve de plus que ce gouvernement est complètement dépassé.

Mirlande Manigat, ex-sénatrice et femme de l'ancien président Leslie François Manigat, aujourd'hui vice-rectrice de l'université Quisqueya (complètement ravagée, comme presque toutes les universités de Port-au-Prince) croit que les autorités «disent n'importe quoi».

«Entre 85 et 90% des écoles haïtiennes sont privées et l'État n'a aucune autorité sur elles. Comment le président peut-il affirmer que les cours reprendront si rapidement?» demande Mme Manigat, rencontrée hier parmi les ruines de son université.