Qualifiée d'«historique» par le président haïtien René Préval, la visite du président français Nicolas Sarkozy mercredi dans la capitale haïtienne, suscite une gamme de sentiments divers dans la population, de l'indifférence à l'espoir en passant par la critique.

«Ce qui rend cette visite vraiment historique, c'est que pour la première fois, un président français vient dans l'ancienne colonie», a déclaré M. Préval lundi.

Il a estimé qu'Haïti avait «des spécificités (dans ses relations) avec chaque pays». «Par exemple avec les États-Unis, nous avons des spécificités de proximité, c'est le plus grand marché et nous sommes à côté», a-t-il cité, «avec la France, nous avons la langue, la culture».

Mais pour Monise Medelio, étudiante de 21 ans en comptabilité, la venue de M. Sarkozy représente quelque chose de beaucoup plus concret. «Il est le bienvenu en Haïti. On espère que les Français vont continuer à aider Haïti après le tremblement de terre», affirme-t-elle, suscitant l'approbation de ses amies avec qui elle partage un repas, assises dans la rue.

«Nicolas comment?», interroge quelques pas plus haut Jeanchales Angela Marie Michel, 19 ans, qui vit dans un campement de sans abri. «La France ne nous a pas apporté d'aide, ce sont les Brésiliens, les Américains qu'on a vus», ajoute sa mère Anna Saint-Louis.

«Je voudrais une maison», se contente de répondre Présentdieu Mimose, 37 ans, encouragée par Jeanchales qui demande à Nicolas Sarkozy «de la nourriture, des maisons, des habits».

«S'il vient en Haïti pour reconstruire, il sera le bienvenu», tranche un homme en train d'acheter un pantalon à un marchand à la sauvette.

Etudiant en sociologie, Wilson Jean Baptiste, 30 ans, s'agace. «C'est une autre manifestation de l'humanitaire spectacle, un million de personnes ont perdu leur gîte, tous les médias sont braqués sur Haïti», rappelle-t-il. «Mais d'ici un ou deux mois, les journalistes internationaux (...) vont repartir et Haïti va rester dans sa misère», poursuit le jeune homme inscrit en master de sciences politiques à Paris l'année prochaine.

«Si M. Sarkozy était en face de moi, je lui dirais qu'il est temps que la France se décide à négocier avec Haïti une coopération digne et humaine», s'exclame encore le jeune homme.

C'est aussi ce que pense Michelet Desrosiers, étudiant en communication sociale de 35 ans. Pour lui, la «politique d'ouverture» du président français peut être le moyen d'un «nouveau départ» dans les relations entre les deux pays.

«Jusqu'ici, la coopération de la France avec Haïti est plus symbolique que concrète et productive comme il faudrait qu'elle soit», affirme-t-il.

Porte-parole du président déchu et exilé Jean-Bertrand Aristide, Maryse Narcisse revient sur le symbole que représente cette visite. «Si après plus de 200 ans, c'est la première fois qu'un président français touche le sol d'Haïti, c'est qu'il y a une compréhension de la nécessité de réparations dont le président Aristide avait beaucoup parlé pendant son mandat», assure-t-elle.

Elle souhaite néanmoins que «le leadership de la reconstruction» reste entre les mains d'Haïti.

«C'est purement politique, je ne vois pas l'intérêt», tranche Mackenson Pierre, 27 ans, serveur dans un hôtel. Haïti «n'a pas seulement besoin d'une visite de président mais d'une aide morale et économique».

«Ca fait déjà un mois et il y a toujours des personnes sous les décombres, chez moi, il y a six personnes», dit le jeune homme. «C'est ça l'essentiel, ce qu'on devrait commencer par faire», soupire-t-il.