(Rangoun) Deux personnes ont été tuées et 38, blessées, mardi en Birmanie, dans un attentat à la grenade contre une manifestation de soutien à la junte, selon une source officielle, le jour du premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir des militaires, contre lesquels ont eu lieu de nombreuses manifestations sur le territoire birman.  

Aucun groupe n’a revendiqué cet attentat perpétré à Tachilek, une ville de l’est, tandis qu’ailleurs de nombreux Birmans défiaient les ordres des militaires en prenant part à une grève silencieuse ou en manifestant leur colère par des applaudissements.  

Le coup d’État du 1er février 2021 ayant destitué la dirigeante Aung San Suu Kyi, 76 ans, a mis fin à une décennie de transition démocratique dans ce pays d’Asie du Sud-Est plongé depuis lors dans la violence.

À 16 h (3 h 30 HNE), des applaudissements massifs ont retenti à travers Rangoun, la capitale économique, pour marquer la fin d’une « grève silencieuse » contre ce coup de force. La ville est restée déserte, la majeure partie de la journée, de nombreux magasins ayant gardé portes closes.

L’appel à la grève silencieuse, lancé par les opposants, a été très suivi à travers toute la Birmanie, de l’État Shan (est) à l’État Kachin (nord) en passant par Mandalay (centre), et des applaudissements soutenus ont retenti dans plusieurs villes pour marquer la fin du mouvement.  

« Le silence est le cri le plus fort que nous pouvons pousser contre les soldats et leur sanglante répression », a écrit une opposante sur Twitter. Des photos de Birmans restés chez eux et saluant à trois doigts en signe de résistance ont afflué sur les réseaux sociaux.

PHOTO ASSOCIATED PRESS

De nombreux Birmans ont défilé dans les rues de Mandalay, saluant à trois doigts en signe de résistance à la junte militaire.

Les autorités avaient averti que de telles actions pourraient être qualifiées de haute trahison, un crime passible de longues années de détention. À Rangoun, dix personnes ont été arrêtées, selon des médias locaux.

Attentat à la grenade

Des manifestations en faveur des militaires dans des régions birmanes non spécifiées ont eu lieu, d’après des vidéos non datées fournies par les autorités. Des partisans du régime ont brandi le drapeau national et dénoncé les « Forces de défense du peuple », ces milices citoyennes qui effectuent régulièrement des opérations de guérilla contre les militaires.

ORGANISATION TRUE NEWS, VIA ASSOCIATED PRESS

Cette image diffusée un organisme pro-junte True News, des partisans du gouvernement militaire portant des drapeaux de la Birmanie défilent lors d’une manifestation de soutien envers la junte militaire, le 1er février 2022 à Naypyidaw, en Birmanie.

À Tachilek, l’attentat a été perpétré à l’aide de deux grenades lancées à la mi-journée en direction d’une foule qui revenait d’un rassemblement de soutien à la junte, a déclaré à l’AFP un responsable des forces de sécurité ayant requis l’anonymat.

De son côté, le chef des militaires au pouvoir, Min Aung Hlaing, a promis d’organiser des élections « libres et équitables […] dès que la situation serait pacifiée et stabilisée ».

Depuis son coup d’État contre Aung San Suu Kyi, plus de 1500 civils ont été tués et près de 9000 sont détenus dans les geôles du régime, d’après un observatoire local qui dénonce des cas de viols, de tortures et d’exécutions extrajudiciaires.

Face à cette spirale de violence, la communauté internationale a accru lundi la pression sur les généraux.

L’ONU a fait savoir qu’elle enquêtait sur des crimes contre l’humanité.  

« La justice internationale a la mémoire très longue », a averti Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d’enquête indépendant pour la Birmanie.

Les États-Unis ont de leur côté imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières visant notamment les plus hauts responsables judiciaires birmans.

« Pas oublié »

« Tant que le régime privera le peuple de Birmanie de sa voix démocratique, nous le ferons payer aux militaires et à leurs partisans » a mis en garde le président américain Joe Biden. « Je dis au peuple birman : nous n’avons pas oublié votre combat ».

Depuis le putsch Aung San Suu Kyi, est assignée à résidence dans un endroit tenu secret. La lauréate du prix Nobel de la paix est visée par une multitude de chefs d’accusation (violation d’une loi sur les secrets d’État datant de l’époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption, etc.).  

Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée cette fois d’avoir fait pression sur la commission électorale pendant les législatives de 2020 massivement remportées par son parti et annulées depuis par la junte.

Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de détention au terme de son procès.

La Birmanie a plongé dans le chaos ces douze derniers mois. La rébellion, menée par des milices citoyennes et des factions ethniques, s’intensifie, poussant la junte à encore durcir la répression. Ces violences ont déjà provoqué le déplacement de plusieurs centaines de milliers de personnes.

L’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Noeleen Heyzer, a plaidé pour la tenue prochaine d’une « réunion humanitaire » avec « la plupart des parties prenantes » au conflit.

Mardi, un porte-parole de l’ONU a déclaré que l’organisation avait besoin de 826 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires de millions de Birmans, le plus important appel de fonds jamais effectué pour la Birmanie.