(Séoul) L’armée nord-coréenne a intensifié la distribution de médicaments destinés à lutter contre l’épidémie de COVID-19, a annoncé mardi l’agence de presse officielle KCNA qui a fait état de près de 1,5 million de cas de « fièvre ».

Le dirigeant Kim Jong-un a ordonné un confinement national pour tenter d’enrayer la propagation du virus dans le pays, dont la population n’est pas vaccinée, et déployé l’armée pour qu’elle aide à lutter contre l’épidémie, dont il a critiqué la gestion.

Des centaines de membres des services de l’Armée populaire de Corée, en tenue de camouflage, ont été vus en train de se rassembler dans la capitale Pyongyang sur des photos publiées par KCNA.  

L’armée « a déployé en urgence ses puissantes forces dans toutes les pharmacies de la ville de Pyongyang et a commencé à fournir des médicaments dans le cadre d’un service proposé 24h/24 », a déclaré KCNA.

Une photo de l’agence montre des soldats marchant à proximité d’une longue file de camions vert olive.

Kim Jong-un a vivement critiqué lundi le gouvernement et les autorités sanitaires pour leur gestion de l’épidémie, en particulier l’incapacité à maintenir les pharmacies ouvertes en permanence.  

Depuis que le pays a annoncé son premier cas de COVID-19 jeudi dernier, le dirigeant a pris personnellement en main la lutte contre l’épidémie, qui, selon lui, provoque « de grands bouleversements » dans le pays.

Les autorités ont fait état de plus d’1,48 million de cas de « fièvre » et de 56 morts depuis l’apparition de la COVID-19 dans le pays et « au moins 663 910 personnes font l’objet d’un traitement médical », selon la même source.  

Malnutrition chronique

Les autorités ont intensifié les campagnes de sensibilisation dans les médias et les laboratoires pharmaceutiques ont augmenté la production de médicaments, a affirmé KCNA.

Le système de santé nord-coréen a été classé 193e sur 195 pays par une étude de l’université américaine Johns Hopkins l’an dernier.  

Les hôpitaux du pays sont notoirement sous-équipés, avec peu d’unités de soins intensifs.  

Selon les experts, le pays ne dispose d’aucun traitement contre la COVID-19 et n’a pas les capacités pour tester massivement sa population.

« La plupart des Nord-Coréens souffrent d’une malnutrition chronique et ne sont pas vaccinés, il n’y a pratiquement plus de médicaments dans le pays et l’infrastructure sanitaire est incapable de faire face à cette pandémie », a déclaré Lina Yoon, une chercheuse spécialisée sur la Corée au sein de Human Rights Watch.

Photo KYODO, via REUTERS

Des employées transportent des caisses de légumes destinées aux ménages nord-coréens.

Elle a appelé la communauté internationale à offrir des médicaments, des vaccins et des infrastructures à la Corée du Nord.

Jusqu’à présent, Pyongyang n’a pas répondu à l’offre faite par Séoul, selon le ministère sud-coréen de l’Unification.

Le nouveau président de la Corée du Sud, Yoon Suk-yeol, a adopté une position plus dure que son prédécesseur à l’égard de son voisin, doté de l’arme nucléaire.  

Lundi, il a affirmé devant l’Assemblée nationale qu’il « n’hésiterait pas à fournir l’aide nécessaire au peuple nord-coréen » à condition qu’il l’accepte.  

Malgré la crise sanitaire, de nouvelles images satellite indiquent que la Corée du Nord a repris la construction d’un réacteur nucléaire depuis longtemps interrompue.

Washington et Séoul soupçonnent Pyongyang de préparer un essai nucléaire, qui serait le septième de son histoire et le premier depuis 2017, afin de détourner l’attention de la population nord-coréenne de la crise sanitaire.

L’ONU s’inquiète des conséquences humaines de la COVID-19 en Corée du Nord

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit « profondément inquiet » de l’effet de l’épidémie de COVID-19, qui semble balayer actuellement la Corée du Nord, sur la situation des droits humains.

« Les dernières restrictions en date, dont la mise à l’isolement strict des gens et de nouvelles restrictions aux déplacements, vont avoir de graves conséquences pour ceux qui ont déjà du mal à répondre à leurs besoins élémentaires », a déclaré Elizabeth Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat, lors d’un briefing de l’ONU à Genève (Suisse).

Le Haut-Commissariat a encouragé les autorités nord-coréennes à s’assurer « que les mesures prises pour lutter contre la pandémie soient indispensables, proportionnées, non discriminatoires, limitées dans le temps et respectent la législation internationale sur les droits de l’homme », a souligné Mme Throssel.

Elle a également réitéré l’appel de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet à la communauté internationale à alléger les sanctions contre Pyongyang « pour faciliter l’aide humanitaire d’urgence et l’assistance liée à la COVID-19 ».

« Nous encourageons les autorités de la RPDC (République populaire démocratique de Corée) à prendre langue d’urgence avec l’ONU pour ouvrir des canaux humanitaires » et « faciliter le retour du staff international de l’ONU et d’autres organisations en Corée du Nord, pour pouvoir aider à faire parvenir l’aide aux plus vulnérables ainsi que ceux vivant dans les zones rurales et frontalières », a ajouté Mme Throssel.

L'OMS exprime également ses inquiétudes

L’OMS s’est inquiétée mercredi des ravages que peut provoquer Omicron sur la population non vaccinée de Corée du Nord et a réitéré son offre d’assistance allant des vaccins aux équipement médicaux.

« L’OMS est profondément inquiète du risque que la COVID-19 ne se propage encore davantage à travers le pays, tout particulièrement parce que la population n’est pas vaccinée et que nombre de personnes souffrent d’antécédents médicaux qui leur font courir le risque de développer une forme grave de la maladie », a mis en garde le patron de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’un point de presse régulier à Genève.

Pour l’heure les autorités de Pyongyang ne semblent pas avoir répondu aux appels de l’ONU et l’OMS a reconnu ne pas pouvoir faire autre chose que d’attendre un feu vert pour aider.

Maria van Kerkhove, chargée de coordonner la lutte contre la COVID-19 au sein de l’organisationn a pour sa part insisté sur le fait que-contrairement à un mythe très répandu-le variant Omicron du virus qui donne la COVID-19 n’est pas « bénin ». Omicron et tous ses sous-variants peuvent provoquer toute la gamme de COVID-19 : des cas asymptomatiques aux formes très graves voire mortelles.