Jung Seong-hoon, 22 ans, partageait les frustrations des jeunes Sud-Coréens face à un avenir sombre : les emplois sont rares, les loyers sont élevés et les dettes augmentent. Le mois dernier, il s’est donc présenté à l’Assemblée législative de sa ville et a gagné.

Jung est un exemple du sang neuf qui entre en masse dans la politique sud-coréenne, après que les législateurs eurent abaissé cette année la limite d’âge minimale pour exercer un mandat politique de 25 à 18 ans. Cela a conduit à un nombre record de personnes de moins de 40 ans se présentant aux élections locales en juin – 416 candidats, contre 238 en 2018. Parmi les 4131 personnes qui ont remporté leur course, 11 avaient moins de 24 ans, dont le plus jeune élu de l’histoire du pays, un jeune de 19 ans.

Mais avant même que leurs mandats ne commencent le vendredi 1er juillet, ces jeunes élus se sont heurtés à des problèmes aussi vieux que la politique elle-même. Ils disent devoir composer avec un écosystème politique dominé par des politiciens âgés de 50 à 60 ans qui sont déconnectés de la réalité, à un niveau prohibitif de fonds à collecter et à un réseau opaque de responsables de parti dont ils doivent s’attirer les faveurs pour avoir une chance.

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Jung Seong-hoon, 22 ans, a remporté les élections à l’assemblée de la ville de Yangsan, dans la province du Gyeongsang du Sud, le 30 juin 2022.

Ils doivent naviguer entre des barrières culturelles strictes, le statut social d’une personne étant déterminé en grande partie par son âge, et traiter avec un électorat plus âgé qui les considère parfois comme « inexpérimentés » et « crédules », se plaignent certains.

On attend des jeunes qu’ils contribuent à améliorer le monde, mais beaucoup de gens s’inquiètent de notre jeune âge.

Lee Ja-hyung, 23 ans, élue à l’assemblée dans la province de Gyeonggi, près de Séoul

« Ils craignent que notre sens du jugement ne soit pas complètement développé et que nous soyons trop facilement influencés par les gens qui nous entourent », soutient Lee Ja-hyung.

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Lee Ja-hyung, 23 ans, a été élue à l’assemblée dans la province de Gyeonggi, près de Séoul, le 27 juin 2022.

Il est donc plus difficile pour les jeunes espoirs de se voir proposer l’investiture d’un grand parti politique, qui exige souvent qu’ils connaissent personnellement les responsables du parti. Dans le Parti conservateur du pouvoir populaire, les présidents des conseils locaux du parti ont le pouvoir de nommer un candidat. Dans le Parti démocratique libéral, les candidats doivent non seulement être désignés, mais aussi gagner les primaires pour se présenter aux élections.

Une évolution progressive des mentalités

La limite d’âge pour les candidats aux élections nationales est de 25 ans dans de nombreux pays asiatiques, dont le Japon, l’Inde, les Philippines et la Thaïlande. À Hong Kong et à Singapour, la limite est de 21 ans, et à Taiwan, elle est de 23 ans. Aux États-Unis, une personne doit avoir 30 ans ou plus pour être sénatrice et 25 ans ou plus pour être représentante. Seuls quelques adolescents ont été élus à l’Assemblée législative d’un État américain ou ont brigué un siège au conseil municipal. Une poignée de pays, dont l’Allemagne, autorisent les jeunes de 18 ans à se présenter à une chambre législative nationale.

En Corée du Sud, Noh Woong-rae, 64 ans, membre de l’Assemblée nationale, a fait partie des législateurs qui ont fait campagne pour abaisser l’âge minimum des candidats, en faisant valoir que l’âge de la candidature devrait correspondre à l’âge du vote, qui est de 20 ans depuis 1960. D’autres voulaient supprimer complètement les limites d’âge.

Il y avait une idée fixe selon laquelle la politique est réservée aux adultes, conformément à une culture confucéenne établie de longue date.

Noh Woong-rae, 64 ans, membre de l’Assemblée nationale

Le mouvement en faveur de la modification de la loi était lié à des manifestations démocratiques organisées par des étudiants en 1987. Les militants avaient déclaré qu’ils voulaient dissiper l’idée que la participation politique devait être réservée à l’élite, une idée datant de la dictature militaire de Park Chung-hee.

Cet effort avait été couronné de succès, par étapes. L’âge du droit de vote a été abaissé à 19 ans en 2005. En 2019, l’Assemblée nationale a approuvé un nouvel abaissement à 18 ans. Puis, cette année, les législateurs ont abaissé l’âge limite pour se présenter aux élections.

C’est bien d’avoir une certaine expérience ou des connaissances, mais je ne pense pas que la politique en exige nécessairement un niveau énorme.

Park Joo-min, 48 ans, un autre membre de l’assemblée

Malgré ce changement, Jung, 22 ans, élu à l’assemblée de la ville de Yangsan, dans la province du Gyeongsang du Sud, a déclaré que parler à un responsable du parti pour tenter d’obtenir une nomination lui donnait « l’impression de [se] taper la tête contre le mur ». Le jeune homme a fait campagne en promettant de contribuer au renforcement des infrastructures de transport de la ville.

La collecte de fonds est également particulièrement difficile, certains candidats ayant déclaré qu’ils devaient trouver environ 20 millions de wons (environ 20 000 dollars canadiens) pour mener à bien leur campagne.

La légitimité des jeunes contestée

Pour Cheon Seung-ah, 19 ans, la plus jeune politicienne élue, la victoire a eu un prix. Elle avait été nommée par le président du conseil de son parti local, Kim Hyun-ah, 52 ans, dans le cadre d’une campagne visant à impliquer davantage de jeunes femmes dans le Parti du pouvoir populaire, de nombreux membres ayant été accusés d’amplifier les slogans antiféministes.

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Cheon Seung-ah, 19 ans, a entamé son mandat de membre de l’assemblée municipale de Goyang, à Séoul, le 15 juin 202.

Dans une interview, Mme Cheon avait décrit ses espoirs de développer les programmes éducatifs pour les enfants de la ville et d’améliorer le système de transport municipal. Après sa victoire, les membres du conseil de son propre parti, y compris certaines femmes qui étaient en lice pour une nomination à son siège, ont lancé une attaque. Selon une plainte signée par six membres du conseil, elle avait revendiqué sur son CV un titre inexistant au sein du comité des jeunes adultes du conseil.

La plainte a été acceptée par le bureau des procureurs du district central de Séoul.

Les procureurs enquêtent également sur des dizaines d’autres gagnants des élections de juin. Les attaques sont courantes contre les candidats dont la nomination par le président du conseil d’un parti local a joué un rôle important dans la victoire électorale, comme Cheon. Il est facile de contester leur légitimité, car leur victoire est considérée comme moins démocratique. Mais peu de ces attaques ont été formellement acceptées en tant que plaintes légales.

Cheon a nié l’allégation.

Le plus dur a été le tribut que les attaques ont fait payer à ma santé mentale.

Cheon Seung-ah, 19 ans, membre de l’assemblée municipale de Goyang, à Séoul

Kim a également réfuté l’idée que le titre de sa protégée avait quelque chose de fâcheux. Selon les règles du parti, Mme Kim a déclaré qu’elle avait la seule prérogative de nommer des personnes au conseil et de leur donner des titres. « Je n’ai aucune obligation de demander l’autorisation des membres du conseil ou de les informer », a-t-elle déclaré.

L’un des adversaires de Mme Cheon, Lee Kang-hwan, qui était vice-président du conseil, a déclaré qu’il avait démissionné en apprenant qu’elle était la candidate. Il a également déclaré qu’il avait espéré qu’elle démissionnerait.

Le vendredi 1er juillet, Cheon a commencé son mandat en tant que plus jeune membre de l’assemblée municipale de Goyang. Le lundi suivant, les procureurs ont chargé un service de police d’enquêter sur son cas.

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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En savoir plus
  • Économies et prêts
    Pour financer sa campagne, Lee Yechan, 22 ans, qui a été élu à l’assemblée du district de Yeongdeungpo-gu, à Séoul, a déclaré : « J’ai utilisé toutes mes économies amassées grâce à un stage que j’ai effectué pendant un an et à un travail à temps partiel pour enseigner aux étudiants. J’ai même contracté un prêt – les taux d’intérêt sont élevés. »
    The New York Times