(Pékin) Cinq ans de plus au sommet de la deuxième puissance mondiale : le président chinois Xi Jinping se prépare à un nouveau sacre lors du 20e congrès du Parti communiste qui s’ouvre dimanche, dans un pays refermé sur lui-même depuis le début de la pandémie.

Sauf coup de théâtre, l’homme de 69 ans, au pouvoir depuis 2012, sera reconduit jusqu’en 2027, devenant le dirigeant le plus puissant depuis le fondateur du régime, Mao Tsé-toung (1949-76).

Venus de toutes les provinces, 2296 délégués seront réunis pour environ une semaine au Palais du peuple, immense bâtiment d’architecture stalinienne situé sur la place Tiananmen à Pékin, où la sécurité a été renforcée.

Ils désigneront le nouveau Comité central, sorte de parlement du parti avec quelque 200 membres, dont le bureau politique et ses 25 têtes est l’instance de décision.

« Tout est joué d’avance, car le congrès (organisé tous les cinq ans, NDLR) n’a pas lieu tant que les factions ne se sont pas mises d’accord », explique le sinologue français Jean-Philippe Béja.

Moment clé : la présentation par Xi Jinping de son rapport lors du discours inaugural dimanche, bilan du premier mandat qui donnera aussi une indication de son programme pour les cinq années à venir.

Au congrès de 2017, M. Xi avait promis « une nouvelle ère » du socialisme à la chinoise et que son pays allait « s’ouvrir encore davantage ». « L’ouverture amène le progrès, la fermeture nous ramène en arrière. La Chine ne va pas fermer ses portes », martelait-il.

Croissance sacrifiée

Cinq ans plus tard, la Chine s’est profondément refermée, pandémie de coronavirus oblige. Pendant que le reste du monde reprend peu à peu une vie normale, Pékin maintient une stricte politique zéro COVID-19, avec un trafic aérien réduit au minimum, des quarantaines obligatoires à l’arrivée et des confinements à répétition.

De quoi irriter une partie de la population, mais aussi les milieux d’affaires, effrayés de voir la croissance économique sacrifiée sur l’autel des restrictions sanitaires.

« La politique zéro COVID-19 de Pékin a découragé des investissements indispensables et n’a pas réussi à gagner le cœur et l’esprit des jeunes Chinois, qui sont ceux qui ont le plus souffert, économiquement et socialement », souligne la chercheuse Yu Jie, du centre de réflexion Chatham House.

Diplomatiquement, le pays a par ailleurs creusé le fossé avec les États-Unis, multipliant aussi les bisbilles avec l’Inde, l’Australie ou le Canada et réaffirmant sa volonté de réunifier l’île de Taïwan, par la force si nécessaire.

Au-delà de la crise de la COVID-19, Pékin semble aussi vouloir réduire sa dépendance au monde, signe que sa fermeture pourrait durer. « Beaucoup de gens en Chine s’inquiètent de voir qu’on entre peut-être de nouveau dans une période d’isolement », comme c’était le cas avant son ouverture au commerce mondial à la fin des années 1970, note Jean-Philippe Béja.

Difficile de savoir ce qui se joue en coulisses du Parti communiste chinois, l’une des plus grandes formations politiques au monde (96,7 millions de membres), marquée par une forte opacité.

Dirigeant à vie ?

Depuis des semaines, médias et experts se lancent en conjectures sur la future composition du Comité permanent, ce groupe de sept ou neuf personnalités au plus haut sommet du pouvoir.

Sa nouvelle composition sera dévoilée face aux caméras un jour après la fin du congrès – une date qui ne sera connue que samedi –, son secrétaire général Xi Jinping devant ensuite être confirmé comme président du pays lors de la réunion annuelle de l’Assemblée nationale prévue en mars prochain.

Mais part-il pour une nouvelle période de cinq ans, ou plus ? « L’incertitude est totale », estime le chercheur Jean-Pierre Cabestan, basé à Hong Kong et associé au cercle de réflexion français Asia Centre.

« Vu la promotion de sa pensée, la restauration du culte de la personnalité, l’importance de son pouvoir au cœur de la direction du parti, cela va plutôt dans le sens de quelqu’un qui va rester longtemps au pouvoir, peut-être à vie », souligne-t-il.

Le choix de son entourage au plus haut niveau du parti sera crucial, prévient Steve Tsang, directeur de l’Institut SOAS China, à Londres.

« Xi prendra soin d’envoyer un message clair : aucune personne promue au Comité permanent ne sera un successeur au 21e Congrès » en 2027, juge M. Tsang.

Pour les militants des droits de l’homme, qui dénoncent une répression féroce en dix ans de règne, c’est évidemment une mauvaise nouvelle.

« Le troisième mandat du président Xi, qui crée un précédent, est de mauvais augure pour les droits de l’homme en Chine et dans le monde », déplore la chercheuse Yaqiu Wang, de l’ONG Human Rights Watch.