(Islamabad) L’ex-premier ministre pakistanais Imran Khan a été interdit vendredi de se présenter à toute élection pendant cinq ans par la Commission électorale, pour des irrégularités dans la déclaration des cadeaux diplomatiques reçus durant son mandat.

La Commission a conclu que l’ancien chef du gouvernement « était impliqué dans des pratiques de corruption », a déclaré à l’AFP l’un des avocats de M. Khan, Gohar Khan, annonçant son intention de saisir immédiatement la justice pour faire annuler cette décision.

Si celle-ci est confirmée par les tribunaux, M. Khan, qui avait été renversé en avril par une motion de censure à l’Assemblée nationale,  pourrait ne pas pouvoir concourir aux prochaines élections législatives qui doivent avoir lieu d’ici octobre 2023.

Des supporteurs de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), se sont immédiatement rassemblés dans plusieurs villes pour exprimer leur mécontentement.

Dans la capitale, placée en état d’alerte « élevée », la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, qui tentaient de bloquer la circulation.

En fin de soirée, M. Khan a toutefois, dans un message vidéo, appelé ses partisans à cesser les manifestations, dans l’attente d’une nouvelle « longue marche » sur Islamabad qu’il entend tenir à la fin du mois.

« Ce sera la plus longue marche de l’histoire du pays », a-t-il prédit, assurant que sa lutte ne prendrait pas fin tant que « la supériorité de la loi » ne prévaudrait pas dans le pays.

Il a accusé la Commission électorale d’être de connivence avec un pouvoir corrompu. « Je les combattrai aussi longtemps que je vivrai », a-t-il promis.

Soutien populaire

La presse pakistanaise enchaîne depuis plusieurs mois les Unes à sensation, reprochant à l’ancien champion de cricket et son épouse d’avoir reçu l’équivalent de plusieurs centaines de milliers de dollars de cadeaux, sous forme de montres de luxe, bijoux, sacs à main de créateurs ou parfums, pendant leurs déplacements à l’étranger.

M. Khan est accusé de ne pas avoir déclaré l’ensemble des biens reçus sous son mandat et d’avoir gagné de l’argent en en revendant certains.

Au Pakistan, les responsables gouvernementaux doivent déclarer tous les cadeaux reçus, mais sont autorisés à conserver les moins onéreux.

Ils peuvent aussi acquérir certains des présents les plus chers pour environ 50 % de leur valeur. Cette proportion n’était que de 20 % avant d’être augmentée par M. Khan.

La plainte sur laquelle la Commission électorale s’est prononcée vendredi avait été déposée quand M. Khan était encore au pouvoir, par l’opposition d’alors.

À l’époque, M. Khan avait expliqué n’avoir pas déclaré certains biens pour des raisons de sécurité nationale, mais dans une réponse écrite avait aussi admis avoir acheté pour près de 22 millions de roupies (101 000 euros) de cadeaux et les avoir ensuite revendus pour plus du double de ce montant.

Malgré son éviction, M. Khan conserve un large soutien dans la population. Depuis avril, il a organisé de vastes rassemblements dans tout le pays — attirant des dizaines de milliers de supporteurs — pour faire pression sur la fragile coalition au pouvoir.

L’ancien champion de cricket, qui ne cesse de ressasser sa thèse selon laquelle sa chute aurait été le fruit d’une « conspiration » ourdie par les États-Unis, critique sans répit le gouvernement de son successeur, Shehbaz Sharif, et exige des élections anticipées.

« Tension politique »

Il a été confronté à plusieurs procédures judiciaires ces derniers mois, dont il s’était jusque-là sorti sans trop de dommages, l’actuel gouvernement cherchant à tout prix à l’écarter des prochaines élections.

Le pays a l’habitude de voir les dirigeants politiques utiliser la police et la justice pour museler l’opposition.

Imran Khan était arrivé au pouvoir en 2018, après la victoire aux législatives du PTI, sur une plateforme populiste mêlant promesses de réformes sociales, conservatisme religieux et lutte contre la corruption.

Mais sous son mandat, la situation économique s’est dégradée et il a perdu le soutien de l’armée qui avait été accusée d’avoir contribué à le faire élire.

L’annonce de la Commission électorale a été accueillie avec une grande satisfaction par le pouvoir en place.

« Celui qui répandait des mensonges sur la corruption supposée de ses adversaires politiques a été pris la main dans le sac », a tweeté le ministre des Affaires étrangères, Bilawal Bhutto Zardari.

Pour l’analyste Hassan Askari Rizvi, cette décision aura surtout pour conséquence d’accroître la « tension politique » dans le pays.