(Washington) Les États-Unis se sont engagés mardi à défendre les Philippines en mer de Chine méridionale au moment où les deux alliés historiques ont lancé leurs plus grandes manœuvres militaires conjointes, destinées à contrer l’influence de la Chine dans la région.

Quelque 18 000 soldats, soit environ le double de l’an dernier, prennent part à ces exercices annuels d’une durée de deux semaines baptisés « Balikatan » (« Côte à côte » en philippin). Pour la première fois, les opérations comprendront des tirs à munitions réelles en mer de Chine méridionale, dont Pékin revendique la quasi-totalité.

Ces manœuvres conjointes interviennent alors que la Chine a mené de samedi à lundi de vastes exercices militaires autour de Taiwan, simulant des frappes ciblées et un blocus total de l’île, pour protester contre une visite aux États-Unis de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.

Ces exercices chinois ont officiellement pris fin lundi, mais Taiwan a encore détecté mardi plusieurs navires de guerre et aéronefs chinois à proximité de son territoire.

Lors d’une rare conférence de presse conjointe à Washington, les chefs de la diplomatie et de la défense américains, Antony Blinken et Lloyd Austin, et leurs homologues philippins, ont insisté sur la solidité de leur alliance.

M. Blinken a en particulier évoqué « le soutien sans faille des États-Unis pour les Philippines contre toute intimidation ou coercition, y compris en mer de Chine méridionale ».

De son côté, M. Austin a indiqué que de nouvelles manœuvres auront lieu en mer de Chine méridionale « plus tard cette année » et incluront d’autres pays.

Exercice de reconquête

« Balikatan » prévoit l’atterrissage d’hélicoptères sur une île philippine au large de l’extrémité nord de l’île principale de Luzon, à environ 300 km de Taiwan.

« Pour protéger notre territoire souverain, nous devons vraiment nous exercer à reprendre une île qui nous aurait été enlevée », a expliqué aux journalistes le colonel Michael Logico, porte-parole des forces armées philippines, après la cérémonie marquant le début des manœuvres dans un camp militaire à Manille.

C’est la première fois que ces exercices ont lieu sous le mandat du président philippin Ferdinand Marcos Jr, qui cherche à améliorer les relations avec Washington, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte.

Ces derniers mois, Manille et Washington ont relancé leurs patrouilles maritimes conjointes en mer de Chine méridionale, et ont conclu un accord visant à accroître la présence militaire américaine aux Philippines.

En vertu de cet accord, les troupes américaines seront autorisées à utiliser quatre bases militaires philippines supplémentaires, dont une base navale située non loin de Taiwan.

Proximité de Taiwan

La proximité avec Taiwan pourrait faire des Philippines un partenaire-clé des États-Unis en cas d’invasion par la Chine de l’île démocratique qu’elle considère comme faisant partie de son territoire.

Après l’accord américano-philippin sur les bases, la Chine avait accusé les États-Unis de « mettre en danger la paix et la stabilité régionales ».

« Les pays de cette partie du monde doivent préserver leur indépendance stratégique, et résister fermement à la mentalité de guerre froide et de confrontation entre blocs », avait protesté la semaine dernière l’ambassadeur de Chine à Manille, Huang Xilian.

« Balikatan » mobilise quelque 12 200 militaires américains, 5400 Philippins et un peu plus d’une centaine d’Australiens.

Les exercices simuleront notamment un débarquement amphibie sur l’île de Palawan, dans l’ouest de l’archipel, proches des îles Spratleys revendiquées à la fois par la Chine et les Philippines.

Les militaires américains utiliseront également des missiles Patriot, considérés comme l’un des meilleurs systèmes de défense anti-aérien au monde, et le système de roquettes de précision Himars, qui a aidé les forces ukrainiennes à lutter contre les envahisseurs russes.

Les deux armées avaient initialement prévu des tirs à munitions réelles en mer au large de la province septentrionale d’Ilocos Norte, à environ 355 kilomètres de la côte sud de Taiwan. Mais cet exercice aura finalement lieu en mer de Chine méridionale, a déclaré général de division l’armée philippine Marvin Licudine.

Le site initial n’était « pas suffisamment préparé » pour décharger l’équipement nécessaire, a-t-il justifié.

Le nouveau site se trouve à moins de 300 km à l’est du récif de Scarborough, que Pékin et Manille se disputent également.

Les exercices permettront d’améliorer « les tactiques, les techniques et les procédures dans un large éventail d’opérations militaires », a déclaré le colonel Medel Aguilar, porte-parole de l’armée philippine.