(Taipei) À côté du dragon chinois, Taïwan a la taille d’une souris, une souris qui refuse de se faire avaler d’une seule bouchée. Mais comment contrer les menaces chinoises qui, si elles sont mises à exécution, pourraient déstabiliser la planète entière ? Incursion dans une île rebelle qui porte le sort du monde sur ses épaules.

Comme un bruit de fond assourdissant

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Des milliers de Taïwanais sont massés au Mémorial de Sun Yat-Sen, à Taipei, pour admirer le « Lièvre de Jade », lors de la cérémonie de clôture de la fête des Lanternes, le 19 février.

C’est le dernier jour de la fête des Lanternes, la célébration du mois lunaire qui ouvre le Nouvel An chinois. Des milliers de Taïwanais se sont rassemblés près du Mémorial de Sun Yat-Sen, au centre de Taipei, pour voir un immense lapin-robot-astronaute rose tourner et lancer de la fumée.

Juste derrière, l’emblématique tour Taipei 101 s’illumine jusqu’à sa cime.

Kitsch ? Un peu. Innocent ? Pas du tout. Il faut aller au pied du lapin supersonique pour comprendre toute la portée politique du « Lièvre de Jade », comme l’a baptisé Akibo Lee, l’artiste qui a créé cette lanterne géante.

« [Le lièvre] nous permet de réfléchir non seulement à la croissance technologique de Taïwan, mais aussi aux progrès dans des domaines comme la démocratie, la liberté et la participation internationale. Alors que l’année du Lapin commence […], nous prions ensemble pour que nos rêves pour une année stable et prospère se réalisent », pouvait-on lire sur l’affichette lumineuse accompagnant l’œuvre.

« Tout est politique à Taïwan. Même les lapins roses ! », s’amuse à mon côté la photographe I-Hwa Cheng, qui m’a proposé d’assister à cette cérémonie de clôture le jour de mon arrivée à Taipei.

Le texte qui accompagne la lanterne ne nomme pas la Chine, l’immense voisin de Taïwan qui a 60 fois sa population et 274 fois sa superficie, mais chaque mot est lié à la menace que le géant communiste fait planer sur l’île de 23 millions d’habitants : celle de l’avaler tout rond dans ce que le président de la Chine communiste, Xi Jinping, appelle l’« unification » de la Chine. Le leader communiste en a d’ailleurs fait une de ses priorités, estimant que Taïwan est une province rebelle qu’il faut ramener dans le giron de Pékin.

PHOTO THOMAS PETER, ARCHIVES REUTERS

Un navire de guerre chinois fait feu lors d’un exercice militaire près des îles Matsu, sous contrôle taïwanais, le 8 avril.

Les ambitions de Xi Jinping font frémir toute la planète. La Chine dispose aujourd’hui de la deuxième armée au monde. Et le seul pays qui en a une plus grande, les États-Unis, a dit quatre fois depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden qu’il se portera à la défense de Taïwan en cas d’invasion chinoise.

En réaction à ce bras de fer, le Japon et la Corée du Sud ont augmenté de manière marquée leurs budgets militaires. Et la Corée du Nord trépigne.

« S’il y a guerre dans la région, ce sera la Troisième Guerre mondiale. Et ce sera une guerre suicidaire pour l’humanité », m’a dit à l’aéroport de Taipei, sur le ton le plus posé du monde, Yves Tiberghien, professeur de science politique à l’Université de Colombie-Britannique et l’un des plus grands experts canadiens de la région.

Les tensions politiques actuelles autour de Taïwan sont très dangereuses.

Yves Tiberghien, professeur de science politique à l’Université de Colombie-Britannique

Comment les Taïwanais se sentent-ils dans un tel contexte ? Comme le lapin lumineux de la fête des Lanternes, semble-t-il. Dix jours de rencontres et d’entrevues m’ont permis de constater que les Taïwanais vivent leur vie comme s’il n’y avait pas un nuage dans le ciel, mais sans jamais complètement oublier qu’un orage gigantesque gronde au loin. Et qu’il peut tout détruire sur son passage : une démocratie florissante et une économie prospère.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Poyu Tseng, 33 ans, est l’une des dirigeantes du Doublethink Lab, qui se consacre à l’étude de la désinformation.

Au jour le jour, on ne vit pas dans la peur. J’ai 33 ans et je vis sous la menace chinoise depuis que je suis toute petite !

Poyu Tseng, experte de la désinformation et chercheuse au Doublethink Lab

« Quand Nancy Pelosi [la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis à l’époque] est venue à Taïwan en août 2022 et que la Chine a monté le ton, les gens à l’étranger me demandaient ce que j’en pensais. Pour être franche, à Taïwan, on s’intéressait plus au thé au lait [une spécialité locale] qu’elle préférait qu’à la réaction militaire de la Chine », dit la jeune femme, qui consacre pourtant le plus clair de son temps à détecter les campagnes de fausses nouvelles lancées ou amplifiées par la Chine.

Et tout ça avec à peine une vingtaine de chercheurs dans un édifice du centre-ville de Taipei gardé secret. « En fait, les Taïwanais sont inquiets, mais cette inquiétude est enfouie au fond d’eux », dit-elle. « Moi, j’essaie de me préparer. Je ne vois pas ce que je peux faire d’autre. »

C’est aussi pour se préparer au pire qu’une quarantaine de Taïwanais – hommes, femmes, jeunes, moins jeunes – se sont entassés dans un petit local sans âme, dans une tour du centre-ville de Taipei. Ils y reçoivent une formation en défense civile de l’Académie Kuma, une organisation privée qui a comme objectif de former 3 millions de Taïwanais en trois ans. La marche est haute : en un an et demi, à peine 1200 personnes ont reçu une formation de base.

Iunn « Cynthia » Yang, 26 ans, qui travaille dans l’industrie des puces électroniques que domine mondialement Taïwan, est ravie d’avoir mis la main sur l’une des rares places disponibles, même si ça veut dire de passer un dimanche ensoleillé entre quatre murs à en apprendre davantage sur le contexte géopolitique, sur la guerre de l’information et sur les premiers soins.

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Iunn « Cynthia » Yang suit la formation en défense civile de l’Académie Kuma.

Depuis la crise à Hong Kong en 2018, l’anxiété monte dans mon cercle d’amis. On a vu comment la Chine a pu anéantir une démocratie. On a la preuve maintenant que si la Chine prend le contrôle de Taïwan, le concept d’“un pays, deux systèmes”, comme le promet Xi Jinping, ne fonctionnera jamais.

Iunn « Cynthia » Yang, participante à la formation en défense civile de l’Académie Kuma

En après-midi, elle apprend à faire des garrots et à soulever ses pairs. L’instructeur utilise des bouteilles d’eau rouge pour simuler une perte de sang importante.

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

L’instructeur montre aux participants comment utiliser un garrot.

L’organisme croit qu’en formant des civils à s’occuper d’eux-mêmes et de leurs proches, il enlèvera un poids sur les épaules des forces armées en cas d’invasion terrestre de la Chine.

« Étrangement, venir ici me rassure, ajoute Iunn Yang. Même si nous sommes un petit pays, nous pouvons nous défendre. Et moi, je peux faire quelque chose. Je pense que je vais me concentrer sur la guerre de l’information. Je n’ai pas une tonne d’énergie en général, alors si j’avais un fusil dans les mains, j’en mourrais », dit-elle en riant.

Comme le gouvernement du Parti progressiste démocrate (DPP) en place à Taipei, les responsables de l’Académie Kuma croient que Taïwan doit se préparer à la guerre, non pas pour la vivre, mais pour l’éviter. L’approche a un nom : le porc-épic. « Plus ça coûtera cher à notre ennemi de nous attaquer, plus il va y penser à deux fois avant de se lancer », dit Aaron Huang, le gestionnaire de marque de l’Académie Kuma, avant de me demander de quitter les lieux : pas question que j’assiste à la séance sur les plans d’évacuation. Top secret.

Conseiller municipal affilié au principal parti de l’opposition et ancien parti de la dictature, le Kuomintang (KMT), Lo Chih-Chiang pense aussi que Taïwan doit tout faire pour éviter un conflit avec la Chine, mais il est loin d’être convaincu par l’approche pleine de piquants du gouvernement et de ses alliés. Il y voit de la provocation.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Conseiller municipal à Taipei, Lo Chih-Chiang fait partie de la nouvelle génération du Kuomintang, le parti politique qui a fui la Chine continentale en 1949 pour établir un gouvernement en exil à Taïwan. Longtemps dictatorial, le parti s’est démocratisé dans les années 1980 et est aujourd’hui le principal parti de l’opposition.

Nous avons beaucoup de sympathie pour les Ukrainiens, mais nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation.

Lo Chih-Chiang, conseiller municipal affilié au principal parti de l’opposition, le Kuomintang

« Mon parti croit à l’unification avec la Chine, mais pas à n’importe quelle condition. La Chine doit être démocratique et les Taïwanais doivent accepter l’unification aux urnes », dit-il.

Quand on lui dit qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, il répond que cette avenue permet à la Chine d’espérer, mais permet aussi aux leaders communistes de ne pas perdre la face. Une forme d’apaisement psychopolitique.

Cette position du KMT est quelque peu surprenante. Le parti qu’a dirigé Tchang Kaï-chek a fui la Chine pour se réfugier à Taïwan en 1949 et a passé les 40 années suivantes en guerre contre les troupes communistes. « Nous comprenons la Chine mieux que quiconque. La tension n’est pas liée au territoire comme en Ukraine, c’est plus une question d’orgueil politique », dit Lo Chih-Chiang, qui fait partie de la nouvelle garde – prodémocratie – du KMT.

Avec un million d’abonnés, le politicien de 52 ans, candidat défait à la présidence du pays, est l’une des vedettes des réseaux sociaux taïwanais. Il nous a d’ailleurs donné rendez-vous dans le bureau de production où il enregistre des vidéos pour mettre de l’avant ses idées et celles de son parti.

Aux prochaines élections, qui doivent avoir lieu en janvier 2024, cette popularité sera cruciale. Les Taïwanais ne choisiront pas les candidats sur la base de leur programme social et économique, mais bien davantage sur la manière de gérer les menaces venues de Chine. Chaque camp pense que l’autre peut le mener à sa perte. La division de la société est à son comble, selon tous les experts.

Pourtant, comme le lapin rose de la fête des Lanternes, tous les Taïwanais partagent le même souhait : que les années calmes et prospères se multiplient encore et encore.

Le milliardaire qui n’aimait plus la Chine

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Robert Tsao, fondateur d’UMC, dans sa bibliothèque. Le milliardaire taïwanais, qui a longtemps fait des affaires en Chine, a récemment annoncé qu’il consacrera une partie de sa fortune à préparer l’île pour la guerre avec la Chine communiste.

Milliardaire ayant fondé la deuxième société de puces électroniques en importance au monde, Robert Tsao est une drôle de bibitte politique dans le paysage taïwanais. Longtemps un proche collaborateur de la Chine, l’homme d’affaires est aujourd’hui un de ses plus féroces opposants. De son appartement qui surplombe le plus célèbre parc de Taipei, le parc Daan, il nous a accordé une entrevue pour expliquer ses volte-face. Portrait en quatre temps.

L’enfance du déracinement

Il y a deux sortes de Taïwanais. Ceux dont la famille est dans l’île depuis plus d’un siècle, les Benshengren, et ceux qui sont arrivés de la Chine continentale avec les nationalistes de Tchiang Kaï-chek, les Waishengren. Né à Pékin en février 1947, en plein milieu de la guerre civile en Chine, Robert Tsao fait partie du deuxième club. Son père, un enseignant de mandarin, est venu à Taïwan avec sa famille pour transformer l’île – ancienne colonie japonaise – en territoire chinois. Et pour fuir les communistes de Mao Zedong. « Sous Mao, la Chine était en pleine folie. En trois années de famine, il y a eu 30 millions de morts, c’est la folie. Et la révolution culturelle, c’est un film de zombies ! », dit l’homme de 76 ans, qui n’a pas la langue dans sa poche. Ayant grandi à Taïwan sous la dictature nationaliste, Robert Tsao est devenu ingénieur électrique à la prestigieuse Université nationale de Taïwan. Après avoir travaillé à l’Institut de recherche en technologie industrielle, une institution gouvernementale, il a fondé en 1980 l’United Microelectronics Corporation, no 2 mondial de l’industrie des puces électroniques. En 2021, les ventes d’UMC dans le monde se sont élevées à 7,7 milliards.

Un miracle nommé ouverture

L’ouverture économique de la Chine après la mort de Mao a rapidement attiré l’œil de Robert Tsao. En 1988, l’homme d’affaires de Taïwan s’est rendu à Pékin pour rencontrer Jiang Zemin, alors secrétaire général du Parti communiste. En 2001, il a investi lourdement dans la société de puces Heijian Technology en Chine, au grand dam du gouvernement en place à Taïwan. À la suite d’une poursuite contre lui, Robert Tsao a déchiré sa citoyenneté taïwanaise et levé le camp.

Il s’est aussi mêlé de politique, suggérant qu’un référendum soit tenu à Taïwan sur la possibilité d’unifier l’île avec le reste de la Chine. « J’ai passé 20 ans à tenter de trouver des solutions à l’amiable pour mettre fin au conflit entre Taïwan et la Chine », dit-il aujourd’hui, assis devant son immense bibliothèque, ornée d’art chinois ancien.

Avant 2012, les choses allaient bien en Chine. L’économie y était libre et les gens s’exprimaient librement. La croissance était exponentielle, mais tout a changé quand Xi Jinping est arrivé au pouvoir. La liberté d’expression a disparu, les slogans agressifs ont commencé. Xi Jinping essaie de ramener la Chine dans une tyrannie maoïste.

Robert Tsao

C’est la répression des manifestations à Hong Kong en 2019 qui l’a convaincu de couper les liens qu’il avait avec la Chine. « Le virus des zombies est de retour. »

Le retour du fils prodigue

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Robert Tsao tient dans ses mains l’ours, emblème de l’Académie Kuma. Le milliardaire soutient l’organisation qui donne des formations de défense civile aux Taïwanais. Son ambition : aider à former 3 millions de « guerriers » en trois ans.

En août dernier, Robert Tsao a décidé de retourner à Taïwan par la grande porte. En septembre, il a annoncé qu’il consacrerait 3 milliards de nouveaux dollars taïwanais, soit 100 millions US de sa fortune, pour participer à la défense de Taïwan contre son voisin. « Pour montrer ma détermination, j’ai renoncé à mon passeport de Singapour et je suis revenu m’installer à Taipei. Les gens ont été encouragés par ma décision. Je suis à l’aise et relativement bien connu dans le pays, je pourrais vivre ailleurs, mais j’ai fait le choix de venir me battre », dit-il. Son argent, il veut le consacrer à former 3 millions de « guerriers » de la défense civile par l’entremise de l’Académie Kuma ainsi que 300 000 tireurs à vue. Il compte cependant garder une partie de ses fonds pour nourrir « la guerre psychologique » avec la Chine. Lors de la visite de La Presse, il projetait de construire un studio de télé, d’enregistrer des capsules. « Il faut convaincre les gens que la reddition n’est pas une option », croit-il.

Taïwanais à jamais ?

Robert Tsao dit aujourd’hui qu’il est à Taïwan pour de bon et que le sort de l’île est tout sauf banal. Le pays, composé à 98 % de Chinois han, est en lui-même porteur d’espoir pour les Chinois du monde entier. « Taïwan, c’est une société démocratique. Et ça, c’est très nouveau pour les Chinois, dit-il. Pendant des milliers d’années, les Chinois ont été privés de cette démocratie. Taïwan, ce n’est pas très grand, mais c’est un endroit qui offre une réelle liberté aux gens qui s’expriment en chinois. C’est très significatif », estime l’entrepreneur. « Nous sommes à peine une vingtaine de millions, mais nous devons nous battre pour la survie de cette démocratie. »

L’avenir de Taïwan, vu par les Taïwanais

PHOTO SAM YEH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Dans le quartier Ximen, dans le centre de Taipei, le 14 avril

Jack Yao, 29 ans, commerçant de café et réserviste de l’armée taïwanaise

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Jack Yao, 29 ans, commerçant de café et réserviste de l’armée taïwanaise

« Je suis convaincu que la Chine va venir à Taïwan. L’armée chinoise se prépare. Ça n’arrivera pas tout de suite, mais ça viendra. On verra après l’élection présidentielle qui doit avoir lieu en janvier. Ça fait longtemps que je pense que la Chine est sérieuse dans ses menaces, mais c’est après la visite de Nancy Pelosi que beaucoup de Taïwanais ont compris que la situation est sérieuse. Que nous pourrions être la prochaine Ukraine. Nous sommes déjà un pays, nous nous gouvernons, nous avons une armée, les pays comme le Canada devraient reconnaître que nous sommes un État. »

Agnès Lin, 22 ans, étudiante à l’Université nationale de Taïwan

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Agnès Lin, 22 ans, étudiante à l’Université nationale de Taïwan

« Je m’inquiète depuis la visite de Nancy Pelosi à Taïwan. Ça a déclenché une escalade d’émotions de toutes parts. Le gouvernement de la présidente Tsaï doit montrer notre force et notre détermination à nous défendre. Et nous devrions sensibiliser la population à la nécessité de préparer la défense civile. Notre pays a une importance critique dans la région du Pacifique, à cause de notre emplacement, mais aussi à cause de l’industrie des semiconducteurs qui fournit plus de 70 % des puces électroniques dans le monde. Une guerre à Taïwan, c’est aussi une menace pour les États-Unis et le Canada. »

Johnson Chan, 60 ans, producteur de bananes

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Johnson Chan, 60 ans, producteur de bananes

« Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour freiner la guerre. C’est Xi Jinping qui décidera de ça. Mais c’est impossible pour la Chine communiste de s’unifier avec Taïwan. Nos valeurs et nos modes de vie sont trop différents. C’est plus sécuritaire d’être un chien à Taipei qu’un humain en Chine. J’ai déjà vécu en Chine et à une époque c’était correct, mais on savait qu’il ne fallait pas être dans le trouble avec les riches ou le gouvernement, que les petits ont toujours tort. Ici, à Taïwan, si mon auto en frappe une autre, c’est la loi qui va décider qui est responsable. En Chine, ça ne fonctionne pas comme ça. »

Chih-Hao Chen et Yun-Chi Chang, 17 ans, élèves du secondaire

PHOTO I-HWA CHENG, COLLABORATION SPÉCIALE

Chih-Hao Chen et Yun-Chi Chang, 17 ans, élèves au secondaire

« Je ne pense pas qu’il va y avoir une guerre, dit Chih-Hao Chen, sous l’œil approbateur de son amie Yun-Chi Chang. La Chine ne s’embarquera pas là-dedans sans avoir une vraie raison, un objectif. Regardez la guerre en Ukraine. Ça s’étire en longueur, il n’y a pas de résultat évident et il y a d’immenses dommages des deux côtés. J’aimerais que le reste du monde sache que Taïwan, c’est plus que le conflit avec la Chine. Il faut venir essayer notre cuisine. Tout le monde devrait goûter au moins une fois dans sa vie à notre tofu qui pue [tofu fermenté] ! »

Wüliu Daljaleq, 28 ans, architecte, vit dans l’île de Kinmen

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Wüliu Daljaleq, 28 ans, architecte, qui vit dans l’île de Kinmen

« Les gens à l’extérieur pensent que je vis dans un endroit dangereux, mais ce n’est pas le sentiment ici. La vie continue malgré les menaces de guerre. Je ne pense pas qu’il y aura une unification de la Chine et de Taïwan, mais là où je vis, dans l’île de Kinmen, les gens ont déjà beaucoup de liens avec la Chine. Le statu quo est la meilleure solution possible pour nous. Nous avons déjà l’indépendance de facto, même si le reste du monde ne le reconnaît pas formellement. Le plus dangereux, ce serait de mettre fin à ce statu quo. Ça mènerait inévitablement à la guerre. »