(Bangkok) Les partis pro-démocratie en Thaïlande ont discuté mercredi, à l’initiative de Move Forward vainqueur des législatives, des contours d’une coalition visant à déloger les militaires du pouvoir, dans un contexte rendu incertain par l’opposition de sénateurs fidèles à l’armée.

La jeune formation progressiste Move Forward (« Aller de l’avant » en anglais) a infligé dimanche une défaite retentissante au camp conservateur issu du coup d’État de 2014.

Son leader Pita Limjaroenrat a rencontré des responsables de cinq autres partis d’opposition dans un restaurant de Bangkok, pour la première fois depuis le scrutin, mais sans s’exprimer devant la presse.

Parmi ses potentiels partenaires de coalition, le parti Pheu Thai, l’autre grande force de l’opposition qui anime la vie politique depuis plus de vingt ans, autour de la personnalité clivante de l’ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.

Move Forward a remporté 152 sièges à l’Assemblée nationale, et Pheu Thai 141. Avec le ralliement des quatre autres formations, ils peuvent former une majorité parlementaire avec un peu plus de 300 députés sur 500.

Mais les règles électorales contraignent le bloc pro-démocratie à composer avec 250 sénateurs nommés par les généraux, et qui participent aussi au vote pour le premier ministre.

Ce système, dénoncé comme partial par des organisations de défense des droits humains, fixe la barre à 376 députés pour permettre l’accession au pouvoir de Pita Limjaroenrat, en évitant un éventuel blocage par la Chambre haute.

Plusieurs sénateurs ont annoncé qu’ils n’allaient pas voter pour lui, en raison de positions réformistes jugées trop radicales vis-à-vis des institutions.

« Je n’accepterai pas Pita comme premier ministre », a déclaré le sénateur Jadet Inswang, qui refuse la modification de la loi controversée sur la lèse-majesté proposée par Move Forward.

« Le candidat pour le poste de premier ministre doit aimer la nation, la monarchie », a renchéri un autre sénateur, Kittisak Ratanawaraha.

Un cadre du parti Pheu Thai a demandé mardi à deux partis conservateurs, Bhumjaithai et les Démocrates, de les aider à bâtir une coalition pour surmonter le blocage du Sénat.

Lèse-majesté

Membre de l’ancienne coalition sortante pro-armée, Bhumjaithai (70 sièges) est considéré comme un arbitre potentiel.

Mais ce parti a fait savoir mercredi soir qu’il ne soutiendrait pas une formation qui veut amender l’article 112 du Code pénal punissant le crime de lèse-majesté.

« Si un parti qui veut amender ou abroger l’article 112 est capable d’accéder au gouvernement, alors le Bhumjaithai est prêt à se trouver dans l’opposition, pour le bien du peuple et pour protéger la monarchie », a indiqué cette formation dans un communiqué.

Grâce au vote du Sénat, les partis proches des militaires peuvent mathématiquement former un gouvernement minoritaire avec un premier ministre issu de leur camp, mais leur nombre réduit de députés compliquerait leur mandat.

Le prochain gouvernement thaïlandais doit « refléter la volonté du peuple », a indiqué mercredi le Réseau asiatique pour des élections libres (Anfrel) dans un rapport.

L’ONG, qui a déployé 41 observateurs régionaux dans 460 bureaux de vote, répartis dans 51 provinces, a constaté que le scrutin s’était déroulé de manière « pacifique et ordonnée ».

L’achat de voix, courant en Thaïlande, a été le principal motif d’inquiétude signalé, mais les observateurs n’ont pas livré de détails.