(Tokyo) Le Japon a adopté vendredi une loi très controversée sur l’immigration, censée améliorer les conditions des demandeurs d’asile selon le gouvernement, mais l’autorisant également à expulser les personnes dont la demande a été rejetée à plusieurs reprises.

Les demandeurs d’asile pouvaient jusqu’à présent rester au Japon pendant l’examen de leur requête, quel que soit leur nombre de tentatives.  

Mais désormais, ils pourront être expulsés après trois refus dans le cadre de cette révision de la loi, adoptée malgré une forte opposition au Parlement et de la part d’avocats et de défenseurs des droits civiques.

Le texte « protégera ceux qui doivent être protégés tout en traitant strictement les personnes qui ont enfreint les règles », a déclaré le ministre japonais de la Justice, Ken Saito.  

« De nombreuses personnes abusent du système de demande pour éviter l’expulsion, même si elles ne fuient pas un danger ou une persécution », a-t-il estimé.  

L’an dernier, le Japon a accepté seulement 202 réfugiés sur quelque 12 500 demandeurs, et autorisé par ailleurs 1760 personnes à rester dans le pays en raison de « considérations humanitaires ».

Il a aussi accepté plus de 2400 personnes ayant fui l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe l’an dernier.

« Il est intolérable d’expulser des personnes, même si elles ont un casier judiciaire, vers des pays qui pourraient enfreindre les droits humains » et dans lesquels « leur vie et leur liberté seraient en danger », a protesté cette semaine l’association du barreau de Tokyo.

Chahut au Parlement

Des manifestations ont été organisées contre cette réforme, mais une protestation de l’opposition parlementaire a été rejetée par la coalition au pouvoir, qui détient une majorité écrasante à la Diète.

Une altercation a même éclaté jeudi au Parlement : des élus de l’opposition s’en sont pris au président d’une commission discutant de la réforme législative, tentant d’empêcher un vote de se tenir.  

Le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) au pouvoir affirme que cette révision de la loi permettra d’améliorer l’accès aux soins médicaux et à l’hébergement pour les personnes dont la demande d’asile est en cours d’examen.  

Les conditions de rétention des immigrants en situation irrégulière au Japon sont vivement critiquées, en particulier depuis la mort en détention en 2021 de Wishma Sandamali, une Sri-Lankaise de 33 ans, dont la famille réclame au gouvernement japonais l’équivalent de plus d’un million de dollars d’indemnités.

La jeune femme, qui se trouvait dans un centre de rétention à Nagoya (centre), se serait plainte à plusieurs reprises de douleurs à l’estomac et d’autres symptômes, mais n’a pas reçu de soins médicaux adéquats selon ses soutiens.  

La polémique et la pression politique suscitées par cette affaire avaient entraîné l’abandon d’un projet de loi similaire à l’époque.  

Shoichi Ibusuki, un avocat de la famille, a déclaré jeudi que la nouvelle loi était « équivalente à un bouton permettant d’exécuter les demandeurs d’asile en les expulsant ».  

« Le système japonais de reconnaissance des réfugiés ne fonctionne pas », a-t-il dit, ajoutant que les requêtes des demandeurs d’asile étaient parfois rejetées sans même les convoquer à un entretien.

Amnistie internationale avait estimé en mars que le Japon devait renoncer à cette révision de la loi, qualifiant les politiques de détention du pays de « dures » et de « répressives ».