(Manille) Les Philippines ont convoqué lundi l’ambassadeur de Chine après les tirs des gardes-côtes chinois au canon à eau sur des navires philippins dans la mer contestée de Chine méridionale, une opération que Pékin a qualifiée de « professionnelle et retenue ».

Ce qu’il faut savoir

  • Le 6 août, des gardes-côtes chinois ont tiré au canon à eau sur des navires philippins en mer de Chine méridionale ;
  • Pékin a qualifié lundi de « professionnelle et retenue » son « opération » menée au canon à eau contre des navires philippins dans la mer contestée de Chine méridionale ;
  • Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales des Philippines, du Vietnam ou de la Malaisie, faisant fi d’un jugement international de 2016 en sa défaveur.

« Notre secrétaire aux Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur Huang aujourd’hui [lundi] et lui a remis une note verbale comprenant des photos et des vidéos sur ce qui s’est passé, et nous attendons leur réponse », a déclaré le président philippin Ferdinand Marcos fils à la presse.

Selon les gardes-côtes philippins, l’incident s’est produit samedi alors qu’ils escortaient des navires transportant du matériel pour le personnel militaire philippin stationné sur l’atoll de Second Thomas dans les îles Spratleys.

PHOTO ASSOCIATED PRESS

Le 6 août, des gardes-côtes chinois ont tiré au canon à eau sur des navires philippins en mer de Chine méridionale.

Manille a dénoncé des actions « illégales » et « dangereuses ».

Pékin, qui accuse les bateaux d’être entrés « illégalement » dans ses eaux, a assuré lundi que les gardes-côtes chinois avaient « légalement arrêté » deux bateaux philippins.  

 « Cette opération professionnelle et mesurée sur place est irréprochable », a déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales des Philippines, du Vietnam ou de la Malaisie, faisant fi d’un jugement international de 2016 en sa défaveur.

 « La position de la Chine, bien sûr, est de dire “ c’est à nous, donc nous le défendons ” et nous, pour notre part, nous disons “ non, c’est à nous, donc nous le défendons ”. Cela devient donc une zone grise dont nous discutons », a ajouté M. Marcos.

 « Pour mémoire, nous n’abandonnerons jamais l’atoll d’Ayungin. Nous sommes attachés à l’atoll d’Ayungin », a ensuite renchéri devant la presse le porte-parole du Conseil national de sécurité, Jonathan Malaya, utilisant le nom philippin pour qualifier l’atoll de Second Thomas.

Il a estimé qu’il s’agissait « de mémoire récente » de la plus forte présence chinoise sur l’atoll.

 « Il n’y avait que deux navires des gardes-côtes [philippins] et deux bateaux d’approvisionnement contre six énormes navires des gardes-côtes chinois et deux bateaux de miliciens chinois ainsi que d’autres navires de l’Armée populaire de libération tout près de la zone », a-t-il poursuivi, assurant qu’à un moment un navire des gardes-côtes chinois s’est approché « à 18 mètres » d’un navire de leurs homologues risquant de provoquer une collision.

Depuis son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin a insisté sur le fait qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des États-Unis.

PHOTO PHILIPPINE COAST GUARD, VIA REUTERS

« Les gardes-côtes philippins condamnent fermement les manœuvres dangereuses des gardes-côtes chinois et l’utilisation illégale de canons à eau contre [ leurs ] navires », ont-ils alors déclaré.

Condamnations occidentales

Le Département d’État américain a condamné les « dangereux » agissements de la Chine, affirmant qu’ils étaient le fait de ses gardes-côtes et « milices maritimes ».

Les ambassades de Grande-Bretagne et d’Australie ainsi que l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude.

La mission canadienne aux Philippines a condamné l’intervention chinoise comme « dangereuse et provocatrice » tandis que le représentant du Japon qualifiait l’incident de « totalement inacceptable ».

Manille se plaint de voir ses navires patrouillant dans ces eaux contestées régulièrement surveillés ou bloqués par des gardes-côtes ou des bateaux de la marine chinoise.

L’incident de samedi était le premier depuis novembre 2021 quand les gardes-côtes chinois ont utilisé des canons à eau contre une mission de ravitaillement philippine à Second Thomas.

Manille et Pékin ont une longue histoire de différends maritimes en mer de Chine méridionale, mais l’ancien président philippin Rodrigo Duterte était réticent à critiquer son puissant voisin.

Les tensions entre Manille et Pékin se sont exacerbées au début de l’année après qu’un navire des gardes-côtes chinois eut prétendument utilisé un laser de qualité militaire contre un bateau des gardes-côtes philippins près de l’atoll Second Thomas.  

Après l’occupation du récif Mischief par la Chine au milieu des années 1990, les Philippines ont échoué un navire de guerre désaffecté sur le haut-fond voisin afin d’affirmer leurs revendications territoriales. Des membres de la marine philippine y sont basés.  

L’atoll Second Thomas se situe à environ 200 km de l’île philippine de Palawan et à plus de 1000 km de l’île chinoise importante la plus proche, Hainan.

En avril, un navire des gardes-côtes chinois a coupé la route au navire de patrouille philippin Malapascua, qui transportait des journalistes près de Second Thomas.