(Medan) À la suite d’une série de violentes agressions commises par des voleurs armés de machettes en Indonésie, certains élus appellent à des exécutions sommaires par la police.

Le mois dernier, la police de la ville de Medan, dans le nord de l’île de Sumatra, a abattu un « begal », terme indonésien désignant un voleur particulièrement brutal, puis a expliqué que son action entrait dans le cadre d’un effort d’« éradication ».

Bobby Nasution, maire de Medan et gendre du président du pays d’Asie du Sud-Est, Joko Widodo, a félicité les policiers impliqués, estimant que ce type de criminels devait être abattu sur le champ.

« Je salue cela parce que les begals et les criminels n’ont pas leur place à Medan », a-t-il écrit sur Instagram début juillet, en publiant des images du cadavre du suspect.

Le président indonésien n’a pas commenté les déclarations de Bobby Nasution. Mais d’autres dirigeants, dont le gouverneur de la province du nord de Sumatra, lui ont apporté leur soutien.

Les ONG de défense des droits de l’homme réclament, elles, une enquête sur le meurtre et ont condamné ce discours, estimant qu’il incite les policiers et les citoyens à se faire justice eux-mêmes.  

« Il n’est pas acceptable que des responsables soutiennent de tels actes extrajudiciaires », a déclaré à l’AFP Usman Hamid, directeur d’Amnistie internationale Indonésie. « L’exécution par balles viole non seulement les principes des droits de l’homme – tels que le droit à la vie, le droit à un procès équitable – mais aussi la loi ».

La police indonésienne ne doit utiliser les armes à feu qu’en dernier recours, selon les règles en vigueur. L’Institut indonésien pour la réforme de la justice pénale, un centre de réflexion indonésien, a qualifié les propos de M. Nasution d’« irresponsables ».  

Une partie de l’opinion publique cependant soutient le maire.

Sous des vidéos en ligne montrant des attaques de « begals », des internautes réclament que les voleurs soient abattus ou condamnés à la peine de mort.

Les dirigeants d’un village de l’est de Jakarta ont annoncé une prime de 10 millions de roupies (près de 885 $) pour la capture de « begals ».

Terrorisés par les « begals »

Des « begals », armés de faucilles, de fusils à air comprimé et de pierres, ont agressé sauvagement leurs victimes, terrorisant les Indonésiens dans la capitale Jakarta, Medan et d’autres villes.

Ils s’approchent à moto, généralement dans des zones soigneusement choisies, sans caméras de sécurité, pour s’échapper rapidement après le vol.

« Ils doivent le faire rapidement et avec cruauté pour que la victime cède », explique Adrianus Meliala, criminologue à l’Université d’Indonésie. « Les begals s’enfuient dans le dédale de la ville qu’ils connaissent très bien ».

Medan, cinquième plus grande ville d’Indonésie, a été frappée par 45 attaques de « begals » depuis janvier, selon la police, dont un cas particulièrement brutal il y a deux mois qui a provoqué un tollé.

Insanul Anshori Hasibuan, un étudiant de 22 ans, rentrait chez lui en scooter lorsqu’il a été frappé à la tête avec une machette. Son portefeuille, contenant 70 000 roupies (6 $), lui a été dérobé. Le jeune homme est décédé à l’hôpital.

Quatre suspects ont été arrêtés et risquent jusqu’à 15 ans de prison.

De telles attaques brutales relatées dans les médias indonésiens ont suscité la peur et permettent à des responsables politiques, comme Bobby Nasution, de se présenter en protecteurs de l’ordre public.

Si le nombre de vols a augmenté en 2023, selon les statistiques indonésiennes, les experts soulignent que ces chiffres sont souvent incomplets.

La police nationale n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

« Le phénomène begal ne peut être séparé de l’état socio-économique de la société », relève Ida Ruwaida de l’Université d’Indonésie.  

Dans un pays très inégalitaire, où l’État de droit est faible, les ONG se disent très préoccupées par les appels de responsables politiques à tuer des suspects.  

« Nous craignons que la déclaration du maire de Medan ne serve à justifier davantage d’exécutions extrajudiciaires », a déclaré Usman Hamid. « C’est très dangereux. »