(À bord du BRP Cabra) Huit navires chinois, semblant ignorer un avion de surveillance militaire américain qui tourne autour d’eux, poursuivent des bateaux de ravitaillement philippins, avant de les bloquer brièvement, en mer de Chine méridionale, une zone très disputée.  

Ce jeu du chat et de la souris à haut risque s’est déroulé mardi.

Les garde-côtes chinois avaient pourtant assuré que les bateaux philippins seraient autorisés « dans un esprit d’humanisme » à livrer des provisions à une petite garnison installée sur le récif disputé de Second Thomas.

Mais un opérateur radio chinois a ensuite averti que les deux navires des garde-côtes philippins escortant les bateaux de ravitaillement devaient quitter les lieux ou « assumer l’entière responsabilité de toutes les conséquences ».  

« Dans un esprit d’humanisme, nous n’autoriserons que le navire transportant de la nourriture et d’autres biens de première nécessité ainsi que le personnel en rotation, mais sans matériaux de construction, à se rendre sur le navire illégalement échoué » sur le récif, a-t-il précisé.  

Une équipe de journalistes de l’AFP à bord du BRP Cabra, un des deux garde-côtes philippins, a été témoin de toutes les manœuvres chinoises. Un des navires chinois s’est approché à quelques mètres du BRP Cabra.  

Au final, les deux bateaux de ravitaillement ont atteint le récif et livrer la nourriture aux militaires installés sur le BRP Sierra Madre, un navire datant de la Seconde Guerre mondiale que les Philippines ont fait échouer en 1999 sur le récif de Second Thomas.

Manille voulait ainsi y affirmer ses prétentions de souveraineté face à Pékin après l’occupation du récif Mischief voisin par la Chine au milieu des années 1990.

Les troupes philippines stationnées sur cette vieille épave rouillée dépendent d’un ravitaillement extérieur pour survivre sur Second Thomas, situé à environ 200 km de l’île philippine de Palawan et à plus d’un millier de km des plus proches terres chinoises, l’île de Hainan.  

L’AFP a été un des trois médias à avoir l’occasion, relativement rare, de se joindre à cette mission de ravitaillement, moins de trois semaines après l’utilisation par des navires de garde-côtes chinois de canons à eaux contre une opération similaire.  

Cet incident survenu le 5 août avait ravivé les tensions entre Pékin et Manille. Un des deux bateaux de ravitaillement n’avait pas pu livrer sa précieuse cargaison aux soldats philippins.

« Pas besoin de permission »

La Chine s’était attiré les critiques de plusieurs pays, mais Pékin avait qualifié son comportement de « professionnel » et accusé Manille de « livraison illégale de matériaux de construction ».  

Faisant fi d’un jugement international de 2016 en sa défaveur, Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une région stratégique où transitent chaque année des milliards de dollars d’échanges commerciaux, malgré les prétentions rivales des Philippines, du Vietnam ou de la Malaisie.

Depuis son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin Ferdinand Marcos a pour sa part insisté sur le fait qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des États-Unis.

Mercredi, le porte-parole des garde-côtes philippins pour la mer des Philippines occidentales Jay Tarriela est revenu sur l’incident de la veille, déclarant aux journalistes que les navires chinois avaient effectué « de nombreuses manœuvres dangereuses » pour harceler les bateaux philippins.

Il a rejeté l’argumentaire chinois invoquant des « considérations humanitaires » pour autoriser les ravitaillements.  

Avant de lancer : « Nous n’avons besoin de la permission de personne ».