(Bangkok) Une attaque attribuée à l’armée birmane a fait 29 morts, dont des enfants, dans un camp de déplacés internes du nord de la Birmanie, a annoncé mardi à l’AFP un porte-parole du groupe rebelle ethnique qui contrôle la région.

« Nous avons trouvé 29 cadavres dont ceux d’enfants et de personnes âgées. 56 personnes ont été blessées », a déclaré Naw Bu, un responsable de l’Armée de l’indépendance kachin (KIA).

L’assaut a eu lieu lundi vers 23 h 30 locales (13 h heure de l’Est) dans un camp proche de Laiza, non loin de la frontière chinoise.

L’officier a précisé que des recherches étaient en cours pour comprendre le mode opératoire de l’attaque qu’il a attribuée à l’armée.

« Nous n’avons entendu aucun avion », a-t-il dit, se demandant si l’armée avait utilisé un drone.

De son côté, le porte-parole de la junte Zaw Min Tun a déclaré que l’armée « enquêtait à partir des informations recueillies sur le terrain ».

L’explosion pourrait provenir d’un stock de bombes détenu par ses opposants, a-t-il assuré, sans donner de preuves.

Des images diffusées par des médias locaux montrent des secouristes équipés de lampes torches en train d’opérer au milieu des débris.

Quarante-deux personnes ont été transportées dans un hôpital près de Laiza pour y recevoir des soins, a indiqué Naw Bu.

« Rendre des comptes »

Le secrétaire-général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est dit « alarmé » par ces meurtres et a déclaré que « les responsables doivent rendre des comptes ».  

« Le Secrétaire général condamne toutes les formes de violence, y compris l’intensification des attaques militaires dans tout le pays, qui continuent d’alimenter l’instabilité régionale », selon un communiqué.  

« Il continue d’exhorter les pays voisins en particulier à peser de tout leur poids ».

L’ONU et des organisations de défense des droits humains ont dénoncé à de nombreuses reprises la junte pour avoir ciblé des civils, au cours de la répression sanglante qu’elle mène contre toute dissidence, qu’elle soit ethnique ou politique.

L’ambassade britannique à Rangoun a dit être « consternée par les informations faisant état d’une frappe militaire birmane » qui a tué des civils.

Dans la journée, les habitants et des soldats de la KIA ont organisé des obsèques collectives pour les personnes tuées dans l’attaque. Les participants ont chanté des hymnes chrétiens tandis que des cercueils en bois étaient mis en terre. Certains membres de la famille en pleurs ont déposé des couronnes de fleurs.

Des affrontements opposent régulièrement la KIA à l’armée depuis des décennies. Les combats se sont intensifiés depuis le coup d’État de février 2021 qui a évincé du pouvoir le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi.

La junte a accusé les rebelles kachin d’entraîner et d’équiper les groupes de résistance pro-démocratie (PDF) formés à la suite du putsch pour combattre l’armée régulière.

En octobre 2022, environ 50 personnes ont été tuées et 70 blessées dans des frappes attribuées à l’armée de l’air birmane sur un concert organisé par la KIA. Naypyidaw a assuré que les informations liées aux frappes aériennes étaient des « rumeurs ».

« Spirale sans fin »

La répression qui a suivi le coup d’État a fait plus de 4100 morts à travers le pays, selon une organisation locale de défense des droits de l’homme.

L’État Kachin compte environ 100 000 déplacés internes dont 10 000 supplémentaires depuis le putsch, selon des données des Nations unies datant de mars.

L’Armée de l’indépendance kachin contrôle des pans de l’État Kachin, haut lieu de l’extraction du jade, une industrie lucrative mais opaque, peu réglementée et dangereuse.

La Birmanie s’enfonce dans une « spirale sans fin de violences militaires », la junte recourant de plus en plus aux tueries de masse et aux frappes aériennes, a rapporté fin septembre l’agence onusienne des droits humains.

L’usage grandissant des frappes aériennes a répandu la peur au sein des populations civiles, qui ont été visées à plusieurs reprises, a-t-elle indiqué, relevant « une hausse significative » de ces évènements, au cours desquels au moins dix personnes ont été tuées.

Les tentatives de dialogue menées par l’ONU et l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) n’ont apporté pour le moment aucun motif d’espoir en vue d’une résolution pacifique du conflit.