(Lahore) Feux d’artifice, lâchers de colombes et acclamations de ses partisans ont façonné samedi l’accueil dans son pays de l’ancien premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, pour son retour après presque quatre années d’exil.

Des dizaines de milliers de ses supporteurs ont envahi en fin d’après-midi le parc Iqbal de Lahore, au milieu d’une marée de drapeaux verts décorés d’un tigre orangé, pour voir Nawaz Sharif, 73 ans, revenir en scène.

Sajida Gillani, âgée d’une quarantaine d’années, a un cancer au stade terminal, mais elle n’aurait pour rien au monde raté le retour de celui qui a été trois fois¨premier ministre.

PHOTO AAMIR QURESHI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des dizaines de milliers de partisans ont assisté

« J’aime Nawaz Sharif depuis que je suis enfant », assure Sajida, qui souffre d’un cancer de l’appendice diagnostiqué il y a deux ans. Elle raconte être récemment tombée dans le coma et avoir été placée sous respirateur artificiel après une opération.

« Ma fille dit que même dans cet état, je posais des questions concernant le parti », raconte-t-elle à l’AFP. Ces deux dernières années, « je n’ai pas raté un rassemblement, même pendant mon traitement ».

« Je dois sans arrêt prendre des antidouleurs à cause du cancer. Mais aujourd’hui, je n’ai pas mal tellement je suis heureuse que Nawaz Sharif revienne », ajoute-t-elle.

Figure majeure de la politique pakistanaise depuis plus de trois décennies, Nawaz Sharif était exilé depuis fin 2019 à Londres, après avoir été destitué en 2017 de son poste de premier ministre.

M. Sharif est rentré au Pakistan pour tenter de ramener la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) au pouvoir lors des élections prévues en janvier. Son grand rival, Imran Khan, premier ministre de 2018 jusqu’à sa chute sur une motion de censure en avril 2022, est emprisonné depuis août.

Lahore est la capitale de la province du Pendjab, autour de laquelle Nawaz Sharif, qui n’a jamais pu achever aucun des ces mandats, a construit sa carrière.

Muhammad Hassan, 19 ans, originaire de Muzaffarabad au Pendjab, appartient à la branche étudiante de la PML-N. « Je suis venu ici voir Nawaz Sharif parce que je l’aime », confie-t-il.

« Il a beaucoup fait pour les étudiants. Il nous a donné des bourses et fait distribuer des ordinateurs portables. Donc je m’attends à ce qu’il nous aide à nouveau ».

« Grave manque de leadership »

Imran Khan, populaire ancienne vedette du cricket, est le champion de la jeunesse pakistanaise, lassée de voir les mêmes dynasties familiales se partager le pouvoir depuis un demi-siècle.

PHOTO AKHTAR SOOMRO, ARCHIVES REUTERS

L’ex-premier ministre Imran Khan

Mais Muhammad n’est pas de ceux-là. « J’aime Nawaz Sharif et là d’où je viens son parti est très fort », assure-t-il.

Magnat de l’acier figurant parmi les personnes les plus riches du Pakistan, Nawaz Sharif reste apprécié d’une partie de la population pour avoir connu au pouvoir un certain succès économique.

Sous son dernier mandat, le pays avait connu une reprise liée à un mini-boum de la construction, et une amélioration de la situation énergétique.

« En ce moment, il y a un grave manque de leadership politique et Nawaz Sharif est le seul dirigeant à pouvoir apporter du mieux au Pakistan. Il a fait beaucoup de travail pour le pays dans le passé », pense Naveed Saddiq, 39 ans.  

L’image de la PML-N a pourtant été grandement dégradée par le passage au pouvoir de Shehbaz, le frère de Nawaz, après l’éviction d’Imran Khan.

La situation économique déjà difficile dont il avait hérité s’est encore aggravée sous son mandat, avec une hausse vertigineuse de l’inflation.

Le retour de Nawaz Sharif ne signifie pas pour autant qu’il deviendra premier ministre si la PML-N gagne les élections.

PHOTO FOURNIE PAR LA LIGUE MUSULMANE DU PAKISTAN VIA ASSOCIATED PRESS

Nawaz Sharif, à droite, a signé des documents à son arrivée à l’aéroport d’Islamabad, le 21 octobre.

Son frère Shehbaz conserve aussi ses chances, car il est considéré comme plus conciliant avec l’armée, qui fait et défait souvent les gouvernements au Pakistan, selon les analystes.

Mais pour Muhammad l’étudiant, il n’y a aucun doute. Shehbaz peut retourner diriger le Pendjab, comme il l’a longtemps fait. « Nawaz est meilleur comme premier ministre, parce qu’il raisonne comme un homme d’affaires. »