(Karaganda) Les corps de 45 mineurs ont été retrouvés dimanche au lendemain d’une explosion dans une mine d’ArcelorMittal au Kazakhstan, selon les secouristes, faisant de cet accident le plus mortel de l’histoire de ce pays d’Asie centrale depuis son indépendance de l’Union soviétique.

À 20 h locales (10 h, heure de l’Est), le ministère des Situations d’urgence cherchait toujours le dernier mineur porté disparu, mais les chances de le retrouver vivant étaient quasiment nulles, dimanche, jour de deuil national dans cet immense pays riche en ressources naturelles.

Ce coup de grisou dans la mine Kostenko à Karaganda, dans le centre du pays, s’ajoute à une longue liste de drames déjà survenus dans des sites kazakhs d’ArcelorMittal, et a poussé le gouvernement à annoncer un accord pour nationaliser la filiale locale du géant mondial de l’acier.

Immédiatement après l’annonce de l’accident samedi matin, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, avait ordonné de « mettre fin à la coopération » avec le groupe.

Le président Tokaïev n’a pas pris la parole dimanche, mais un « film documentaire » a été diffusé sur plus d’une dizaine de chaînes étatiques pour justifier la décision du gouvernement.

En présence des familles des victimes à Karaganda samedi, il avait qualifié ArcelorMittal de « pire entreprise de l’histoire du Kazakhstan du point de vue de la coopération avec le gouvernement ».

« Chaque mineur est un héros »

Dans la foulée, le gouvernement kazakh et le géant de l’acier dirigé par l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal et établi au Luxembourg ont annoncé un accord préliminaire pour « transférer la propriété de l’entreprise en faveur de la République du Kazakhstan ».

La filiale kazakhe, ArcelorMittal Temirtaou, a cependant précisé dimanche avoir signé « la semaine dernière » cet accord.

Dimanche, les drapeaux avec un aigle et un soleil dorés sur fond bleu turquoise du Kazakhstan étaient en berne pour cette journée de deuil national, comme à Karaganda, a constaté une journaliste de l’AFP.

Dans la capitale de cette région industrielle où les mines avalent régulièrement des travailleurs, de nombreux habitants défilaient pour se recueillir devant le monument en l’honneur des mineurs morts ces dernières années.

« Chaque mineur est un héros, car il descend sans savoir s’il va remonter », a résumé Sergueï Glazkov, lui-même un ancien mineur.

PHOTO STRINGER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un drapeau du Kazakhstan en berne à Karaganda

« La meilleure solution serait une nationalisation complète, sans compensation pour le propriétaire actuel », estime Daniïar Moustafine, vendeur de 42 ans, devant ce monument représentant un terril, le visage d’un mineur enseveli sous le charbon ainsi qu’une femme tenant un enfant avec un casque de mineur.

« Responsabilité pénale »

Le nouveau directeur nommé par le gouvernement, Vadim Bassine, a assuré dimanche que les garanties sociales seraient maintenues et même améliorées, alors que l’entreprise paie des salaires supérieurs à la moyenne régionale.

Depuis la chute de l’Union soviétique en 1991, environ 200 mineurs ont perdu la vie au Kazakhstan, l’immense majorité dans des sites d’ArcelorMittal, l’accident le plus mortel jusqu’à celui de la mine Kostenko ayant eu lieu en 2006, quand 41 mineurs avaient été tués dans la mine Lénine.

L’arrivée au Kazakhstan en 1995 du groupe, qui exploite une quinzaine d’usines et de mines dans le centre de l’ex-république soviétique, a d’abord été porteuse d’espoir dans le marasme socio-économique ayant suivi la chute du communisme.

Mais le manque d’investissements et les normes de sécurité insuffisantes ont été par la suite et à de maintes reprises critiquées par les autorités, tandis que les syndicats appelaient régulièrement à un contrôle plus strict du gouvernement.

Et ce, bien qu’ArcelorMittal ait assuré dimanche avoir ces dernières années « déployé de nombreux efforts pour renforcer la sécurité ».

« Pour que les gens ne meurent pas, il faut que le gouvernement surveille, qu’il y ait une responsabilité pénale », a dit à l’AFP Alekseï Svistounov, agent de sécurité de 48 ans rencontré à Karaganda, alors que les autorités kazakhes avaient déjà recensé cette année près de 1000 violations des règles de sécurité industrielle dans les mines du groupe.

Les sauveteurs avaient prévenu la veille que les chances de retrouver des survivants étaient très faibles, en raison de l’absence de ventilation dans la mine, de la faible autonomie des respirateurs d’urgence pour mineurs et de la puissance de l’explosion, qui s’est propagée sur deux kilomètres.