(Rangoun) L’alliance armée de groupes ethniques minoritaires, à l’origine d’une offensive d’ampleur dans le nord de la Birmanie, frontalier de la Chine, a revendiqué vendredi de nouvelles avancées aux dépens de la junte, qui a promis de contre-attaquer.

Les combats, qui ont éclaté vendredi dernier dans l’État Shan, dans le nord de la Birmanie, représentent une menace d’un ordre inédit pour l’armée depuis le coup d’État de 2021 contre Aung San Suu Kyi.

Plus de 23 000 personnes ont fui les violences, selon les Nations unies, Pékin appelant à un cessez-le-feu immédiat du conflit.

L’Armée de libération nationale Taaung (TNLA) a pris le contrôle d’un avant-poste militaire près de la ville frontalière de Namkham, a annoncé vendredi un porte-parole du groupe à l’AFP.

L’armée a tenté de se défendre avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie, a-t-il décrit.

L’Alliance démocratique nationale de la Birmanie (MNDAA) a assuré de son côté que ses soldats avaient remporté des batailles dans la zone de Kokang, dans son canal de communication avec les médias.

PHOTO KOKANGH INFORMATION NETWORK, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des membres de l’Alliance démocratique nationale de la Birmanie, le 28 octobre 2023.

Ses avancées s’ajoutent aux dizaines de positions militaires, aux quatre villes et aux routes stratégiques, que le TNLA, le MNDAA et l’Armée d’Arakan (AA) ont annoncé avoir capturées depuis le début de leur offensive coordonnée.

Un porte-parole de la junte a rejeté jeudi la « propagande » des groupes ethniques minoritaires.

Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis des « contre-offensives », dans un discours prononcé jeudi dans la capitale Naypyidaw devant des responsables du gouvernement militaire, et relayé vendredi par le Global New Light of Myanmar.

Ses propos ont été rendus publics au lendemain de la perte, confirmée par l’armée, de la ville de Chinshwehaw, un poste-frontière crucial pour les échanges avec la Chine, le principal partenaire commercial de la Birmanie.

« Chaos »

Un habitant de Hsenwi, un carrefour routier important à environ 90 kilomètres de Chinshwehaw, a décrit auprès de l’AFP la violence des combats quotidiens, qui pousse la population à se retrancher chez elle.

« C’est le chaos. Ni l’armée ni l’alliance de groupes ethniques ne contrôlent la ville », a expliqué cette personne qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de sécurité.

« Il y a des combats tous les jours, avec des tirs d’artillerie lourde et des frappes aériennes », a poursuivi cette source, en précisant que dix civils avaient été tués, et dix autres blessés.

L’accès au compte-gouttes aux moyens de communication, dans cette région dominée par la jungle, rend difficile toute vérification du nombre de victimes. Les trois groupes armés ont évoqué de leur côté des dizaines de blessés, tués et capturés dans les rangs de la junte.

« Au moins maintenant, les échanges entre la Chine et la Birmanie vont devoir probablement s’arrêter », a estimé Enze Han, de l’université de Hong Kong.

Les échanges, déterminants pour l’économie birmane qui souffre depuis le putsch, et pour la junte en manque de liquidités, se sont élevés à 1,7 milliard d’euros entre avril et septembre cette année, selon un média officiel.

Thaïlandais pris au piège

La Thaïlande a annoncé un plan pour évacuer 162 ressortissants coincés à Laukkai, proche de la frontière avec la Chine, où des combats font rage depuis près d’une semaine.

Laukkai est la capitale de la région sinisante de Kokang, réputée pour les trafics d’armes et de drogues, la prostitution et les centres d’escroquerie en ligne, qui a vu l’armée et des factions dissidentes s’affronter à de nombreuses reprises.

Les 162 Thaïlandais sont « en sécurité sous la direction du gouvernement de Birmanie » et seront évacués via la frontière chinoise s’ils veulent quitter la ville, a précisé le ministre des Affaires étrangères Parnpree Bahiddha-Nukara.

Les combats inquiètent la Chine, qui a appelé jeudi à un cessez-le-feu « immédiat ».  

Pékin fournit des armes à la junte birmane, dont elle est l’un des derniers interlocuteurs sur la scène internationale.

L’État Shan abrite notamment un projet de TGV dans le cadre de la politique chinoise des Nouvelles routes de la soie.

Plus d’une dizaine de groupes ethniques agissent dans les régions frontalières de la Birmanie, pour plus d’autonomie politique, ou le contrôle d’une partie des richesses naturelles du pays ou de lucratifs trafics.  

Certains d’entre eux ont formé et équipé les groupes armés, composés d’opposants politiques qui ont essaimé dans le pays après le coup d’État de 2021 et la répression militaire qui a suivi.