(Nouméa) Nouméa, la capitale de la Nouvelle-Calédonie, avait interdit la baignade après deux attaques de requins, dont une mortelle début 2023. La pose d’un immense filet anti-squales a permis la réouverture des plages mercredi, ravissant les baigneurs, mais suscitant des craintes pour l’environnement.  

Dès 6 h du matin, en ce début d’été austral où la température dépasse déjà les 29 °C, la baie des Citrons, plage la plus fréquentée de Nouméa, chef-lieu de l’archipel français du Pacifique, a retrouvé son animation.

Toute la journée vont se succéder retraités, sportifs sortis du bureau pour enchaîner les longueurs et groupes d’adolescents faisant la course jusqu’à la plateforme en mer.

« Ça fait vraiment plaisir », sourit Roina, gérante du café Le Babar : « on avait perdu beaucoup de clientèle avec l’interdiction de la baignade. Les voitures passaient sans s’arrêter, c’était triste. Là, il n’y a plus une place de stationnement de libre, on espère que la fréquentation de l’établissement suivra ».  

« J’attendais ça avec impatience », renchérit Karen, qui retrouve ses habitudes et ses amies du cours d’aquagym.  

Le 29 janvier, une enseignante avait été grièvement blessée, suivie trois semaines plus tard par une morsure mortelle infligée à un touriste australien. Ces attaques avaient entraîné l’interdiction totale de la baignade.

La mairie de Nouméa a annoncé la semaine dernière la réouverture de ses plages grâce à la pose d’un gigantesque filet à mailles de métal de 750 m de long, offrant un plan d’eau sécurisé de 10 hectares au cœur de la ville.

Un autre filet, plus petit, sera posé dans les jours à venir sur la plage du Château-Royal, où s’étaient produites les deux attaques.  

« Avant l’interdiction, j’allais nager à a la plage de Nouville », plus éloignée du centre, « mais je ne sais pas si je suis prête à y retourner. J’appréhende. Ici, grâce au filet, je suis rassurée », explique Luce Boulier

Inquiétudes pour la biodiversité

Si la baignade est désormais autorisée partout, peu se risquent dans l’eau hors de la zone protégée de la baie des Citrons, où les équipes de surveillance ont été renforcées.

Venue lever le drapeau vert pour la première fois depuis huit mois, la commandante des pompiers de Nouméa, Géraldine Bourgoin se réjouit d’un « retour à la normalité bienvenu ».  

Mais le filet a ses contempteurs. À commencer par les « Fantastic Grandmothers », infatigables retraitées et célébrités locales qui procèdent depuis des années à des comptages quotidiens d’espèces marines pour le compte d’études scientifiques.

Certaines sont venues se mettre à l’eau, avec un pincement au cœur.  

Car alors qu’aucune attaque n’a jamais été recensée baie des Citrons, le filet ferme désormais entièrement la baie, dont les récifs, à la préservation exceptionnelle en milieu urbain, regorgent de coraux, poissons, mais aussi tortues, raies et inoffensifs requins-Léopard.

Trop gros pour passer entre les mailles du filet, ces animaux ont dû être évacués.

Quel impact sur le long terme pour la biodiversité ? « Pour l’instant, c’est un peu tôt pour le dire. Mais à partir du moment où on déstabilise un écosystème, cet écosystème va forcément être perturbé », assure à l’AFP Aline Guemas, l’une des « Fantastic Grandmothers ».

« Les tortues et les raies évacuées n’ont pas d’autres endroits où aller. C’est leur lieu de vie, mais nos décideurs n’en ont que faire ! Le problème c’est que les tortues mangent les algues qui se déposent sur le corail et sans leur présence, ce corail, à terme, va mourir », ajoute-t-elle.

La commissaire enquêtrice responsable de l’enquête publique avait émis un avis défavorable au projet, en raison des incertitudes sur l’impact environnemental. La ville de Nouméa estime pour sa part que toutes les mesures nécessaires ont été prises.