(Banda Aceh) Plus de 300 réfugiés rohingya ont débarqué dans la nuit de dimanche à lundi sur les côtes de l’ouest de l’Indonésie, qui fait face depuis novembre au plus grand afflux de ces réfugiés depuis 2015.

Parmi eux, 135 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été logées dans des abris temporaires lors d’une visite d’une représentante de l’ONU.

Les Rohingya, majoritairement musulmans, font face à d’importantes persécutions en Birmanie, un pays en majorité bouddhiste. La répression de 2017 avait fait l’objet d’une enquête des Nations unies pour génocide et nombre de Rohingya ont traversé la frontière pour se réfugier au Bangladesh voisin.

Depuis la mi-novembre, plus de 1000 membres de cette minorité musulmane persécutée en Birmanie ont fui leurs camps au Bangladesh, où les conditions de vie sont misérables, pour gagner la province d’Aceh par la mer.

Il s’agit du plus important mouvement de migration de Rohingya vers l’Indonésie depuis 2015, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Le groupe de 135 personnes « a été transféré sur un terrain de camping […]. Ils rejoindront les autres réfugiés rohingya qui s’y trouvaient déjà », a déclaré dimanche soir le responsable par intérim d’Aceh Besar, Muhammad Iswanto.

En mer depuis un mois

Un premier groupe de 180 Rohingya a débarqué vers 3 h dans la région de Pidie, dans la province d’Aceh (nord de l’île de Sumatra), a constaté un journaliste de l’AFP.

Un autre bateau transportant quelque 135 personnes est arrivé quelques heures plus tard sur une côte voisine d’Aceh Besar, dans la même province située à l’extrémité occidentale de l’Indonésie, à environ 2000 km du Bangladesh.

« Nous sommes en mer depuis presque un mois et 15 jours. […] Nous sommes partis le 1er novembre », a déclaré Muhammad Shohibul Islam, 24 ans, l’un des exilés.

PHOTO CHAIDEER MAHYUDDIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une réfugiée rohingya avec son enfant sur la plage de Laweueng, en Indonésie, le 10 décembre 2023.

Les réfugiés s’étaient rassemblés dans une plantation près du rivage où des habitants leur ont donné de l’eau, a constaté un journaliste de l’AFP. Certains étaient allongés à même le sol, essayant de se reposer après ce voyage long et périlleux.

La police a trouvé des cartes de réfugiés des Nations unies dans un carton transporté par les Rohingya, a constaté un journaliste de l’AFP.

« Nous avons remarqué que certains de ces réfugiés possèdent des cartes de réfugié. Alors, laissons-les d’abord être de nouveau enregistrés par le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations [avant d’agir davantage] », a déclaré le chef de la police locale Rolly Yuiza Away, joint par téléphone.

À Pidie, les autorités ont bloqué les réfugiés sur la plage où ils ont débarqué, avec des mères berçant dans leurs bras leurs enfants, dont certains étaient nus, selon un journaliste de l’AFP sur place.

Les autorités locales avaient dans un premier temps assuré qu’elles ne prendraient pas la responsabilité de fournir des tentes aux réfugiés ou de répondre à tout autre besoin.

Le gouvernement « ne prendra en charge aucune dépense », avait déclaré Muslim, le chef de l’Agence sociale de Pidie, qui comme beaucoup d’Indonésiens ne porte qu’un nom, ajoutant qu’il ne restait « plus de place » d’hébergement d’urgence.

Hostilité

De nombreux habitants d’Aceh ont longtemps été sensibles au sort de cette minorité musulmane. Mais certains montrent désormais de l’hostilité à leur égard, menaçant de les renvoyer à la mer.

Mercredi, des heurts ont opposé plus d’une centaine d’habitants et la police, lors d’une manifestation réclamant le déplacement de réfugiés arrivés par bateau la semaine dernière sur l’île de Sabang.

« Le problème s’est posé lorsque les réfugiés sont arrivés sur la plage et que l’on ne savait pas où les accueillir », a déclaré Ann Maymann, représentante de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Indonésie. « C’est le gouvernement qui doit en décider. […] Je suis donc sûre que nous pouvons gérer cela », a déclaré Mme Maymann, en visite ce dimanche à Aceh.

Plus tôt, Faisal Rahman, qui collabore avec le HCR, avait reconnu que les centres d’hébergement étaient en surcapacité, mais a déclaré que « le gouvernement s’efforce de fournir des abris, car le nombre de réfugiés arrivant est très élevé ».

Vendredi, le président indonésien Joko Widodo a déclaré que son gouvernement soupçonnait un réseau de trafic d’êtres humains d’être à l’origine de cet afflux massif de réfugiés.

L’Indonésie, qui n’est pas signataire de la Convention des Nations unies sur les réfugiés, affirme qu’elle n’est pas obligée de les accueillir.