(Taipei) Taïwan, qui vote samedi pour élire son prochain président et renouveler son Parlement, est séparée politiquement du reste de la Chine depuis sept décennies et sous la menace d’une réunification.

Voici quelques éléments clés sur ce territoire de 23 millions d’habitants qui a sa monnaie, son drapeau, son armée, sa diplomatie et son gouvernement, mais n’est considéré comme un pays indépendant que par une poignée de capitales.

Une Chine divisée

À la fin de la guerre civile chinoise en 1949, les communistes établissent à Pékin la République populaire de Chine. La province de Taïwan devient le refuge des nationalistes du Kuomintang emmenés par Tchang Kaï-chek et la base de la « République de Chine », qui se veut la continuité légitime de la première République chinoise proclamée en 1912 à Nankin.

L’île sera gouvernée jusqu’en 1987 sous la loi martiale. L’état d’urgence est levé en 1991, permettant l’émergence de la démocratie et mettant fin à l’état de guerre avec la « rébellion communiste », donc avec Pékin. S’amorce alors un lent rapprochement.

Les relations se sont envenimées depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, dont le Parti démocratique progressiste (DPP) rejette le principe d’« une Chine unique » et clame que Taïwan est déjà indépendant dans les faits.

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La présidente sortante, Tsai Ing-wen

Pékin revendique Taïwan comme une partie de son territoire à reconquérir un jour, par la force si nécessaire. La Chine sera « sûrement réunifiée », a encore déclaré le président Xi Jinping lors de son discours du Nouvel An.

Isolée sur la scène internationale

Taipei a longtemps été considéré comme le représentant officiel de la Chine, jusqu’à ce que les Nations unies basculent vers Pékin en 1971. D’autres pays et organismes internationaux lui ont emboîté le pas.

Pékin s’oppose à tout contact officiel ou militaire entre les autorités de l’île et des pays étrangers.

Dans sa campagne d’isolement, la Chine a arraché, ces dernières années, plusieurs pays alliés à Taïwan, à l’instar du Honduras en mars 2023. Désormais, seuls treize États dans le monde reconnaissent officiellement Taïwan, dont sept en Amérique latine et dans les Caraïbes, tandis que le Vatican reste le dernier en Europe.

Washington a rompu en 1979 ses relations diplomatiques avec Taipei, reconnaissant Pékin comme seul représentant de la Chine. Les États-Unis restent toutefois leur allié le plus puissant et leur principal fournisseur d’armes.  

Géant de l’électronique

Malgré sa petite taille, l’île démocratique est l’une des économies les plus importantes au monde, notamment en raison de son rôle de plaque tournante dans l’industrie des semi-conducteurs, indispensables à la confection des produits high-tech.

Leader mondial des semi-conducteurs, Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) fournit à lui seul près de 50 % de la production mondiale de micropuces de taille inférieure à 10 nanomètres.

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Sur cette photo prise le 26 mai 2010, des ouvriers chinois assemblent des composants électroniques dans l’usine du géant technologique taïwanais Foxconn à Shenzhen.

De nombreuses entreprises technologiques taïwanaises de premier plan possèdent d’immenses usines en Chine, plus grand partenaire commercial de Taipei. Parmi elles, le géant Foxconn, qui fabrique une vaste gamme de produits électroniques, des iPhone d’Apple aux ordinateurs portables, en passant par les consoles de jeux.

Pionnière en Asie

En Asie, Taïwan est à l’avant-garde des droits LGBTQ+ avec la légalisation du mariage homosexuel en 2019, une première dans cette région du monde.

L’île passe pour l’une des démocraties les plus progressistes du continent, avec notamment plus de 40 % de femmes dans son Parlement, le taux le plus élevé en Asie.

Taïwan reste également un modèle mondial en matière de recyclage et de tri sélectif des déchets.

Les candidats à l’élection présidentielle

Trois candidats sont en lice pour devenir le prochain président de Taïwan lors du scrutin de samedi, suivi de près par la Chine voisine et le reste du monde.

Les relations avec Pékin, mais aussi la politique économique et les mesures pour la jeunesse figurent parmi les principaux enjeux de la course à la succession de la présidente Tsai Ing-wen, du Parti démocratique progressiste (DPP), après huit ans de pouvoir.

Lai Ching-te

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Lai Ching-te

Vice-président depuis quatre ans, Lai Ching-te, du DPP, est le favori des sondages.

Ce fils de mineur a étudié aux États-Unis à Harvard et a été médecin avant d’entrer en politique il y a près de 30 ans, devenant maire de Tainan, dans le sud-ouest de l’île, puis premier ministre.

Il s’est décrit par le passé comme un « indépendantiste taïwanais pragmatique ». Pékin, qui considère Taïwan comme faisant partie de son territoire, l’a qualifié lui et sa colistière Hsiao Bi-khim, ancienne représentante de Taipei à Washington, de « dangereux duo pro-indépendance ».

M. Lai, 64 ans, a affirmé que ces élections sont un choix entre « démocratie et autocratie », et a promis son soutien « inébranlable » au maintien du statu quo dans le détroit de Taïwan.

« La paix n’a pas de prix et il n’y a pas de gagnant dans une guerre », a-t-il déclaré lors d’une présentation télévisée.

En août, après une visite de M. Lai au Paraguay comprenant deux escales aux États-Unis, la Chine avait organisé de gigantesques exercices militaires autour de Taïwan.

Espérant séduire les jeunes électeurs, dont beaucoup sont déçus après huit ans de pouvoir du DPP, M. Lai a promis d’augmenter les salaires, de réduire les impôts et de fournir davantage de logements sociaux.

Hou Yu-ih

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Hou Yu-ih (au centre)

Ancien chef de la police et maire de la ville de Nouveau Taipei, Hou Yu-ih est le candidat du principal parti d’opposition, le Kuomintang (KMT), favorable au rapprochement avec Pékin.

Âgé de 66 ans, il est entré en politique en 2010 en devenant maire-adjoint de Nouveau Taipei, la plus grande circonscription de Taïwan (4 millions d’habitants), puis maire en 2018.

M. Hou décrit l’élection comme un choix « entre guerre et paix » et a déclaré que sa carrière de trois décennies dans les forces de l’ordre lui permettrait de « protéger Taïwan ».

« Je peux maintenir la paix de part et d’autre du détroit de Taïwan et je ferai de mon mieux pour éviter la guerre afin que tout le monde puisse vivre en paix », a-t-il déclaré lors d’un récent meeting de campagne.

M. Hou critique le DPP pour son bilan économique et promet, s’il est élu, de négocier un vaste pacte commercial avec la Chine « dès que possible ».

Ko Wen-je

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Ko Wen-je

Ko Wen-je, 64 ans, a fondé en 2019 le Parti du peuple taïwanais (TPP) pour offrir un troisième choix face aux deux partis dominants.

Cet ancien chirurgien était novice en politique quand il a brigué et gagné la mairie de Taipei en 2014. C’était la première fois qu’un candidat indépendant était élu à ce poste.

Surnommé « Ko P » en référence à son expérience de professeur de médecine, M. Ko se présente comme une alternative « raisonnable et pragmatique » aux deux grands partis que, selon lui, « beaucoup d’électeurs ne supportent plus ».

Son style effronté lui vaut un certain soutien, surtout chez les jeunes. Mais ses détracteurs lui reprochent de retourner souvent sa veste sur des questions importantes, en particulier sur les droits LGBTQ, dans un des seuls pays d’Asie-Pacifique où le mariage entre personnes de même sexe est légal.

Dans une interview à l’AFP, M. Ko a estimé que « les relations entre le gouvernement DPP et Pékin sont dans l’impasse ». Il souhaite renforcer les capacités d’autodéfense de l’île afin de faire comprendre à Pékin qu’une guerre « a un prix élevé », tout en soulignant que « la communication peut empêcher de tirer par erreur ».